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La synagogue de nos pères, le « Schtibele »

 

NIOM (Netsah Israël Ohel Mordechaï)

5 rue Sainte-Anastase, Paris 3e

 

         

        Je vais vous raconter une histoire. La synagogue pour laquelle nous demandons une aide a une histoire, où se mêlent bonheur, tragédie, tristesse, douleur et renaissance, une histoire d’hommes, de femmes meurtris par la Shoah qui se retrouvent après la guerre dans un espace où ils ne sont pas dépaysés. C’est un semblant de retour à la vie, les endeuillés veufs, veuves, orphelins, toute une histoire ressassée, revécue, un espoir de renouveau, une sorte de rappel émotionnel du « schtetl », un souvenir qui attendrit mais en fait ranime tout un passé détruit. Dans cette ambiance de retour de l’enfer, toute une génération s’essaie à refaire son existence, le rêve impossible mais l’espérance d’un nouveau départ. La haine, la colère auraient dû les pousser à la vengeance voire au crime, non, ils sont restés dignes dans leur tragédie, dans cette fidélité qui honore la vie, dans cette inhumanité qui les avait transformés en bétail, ils sont restés des hommes. Grande victoire de la dignité sur l’infâme, victoire sur l’abominable, victoire de la vie. Vie juive qui a besoin de retrouver ses bases, de reconstruire une existence, et dans cette petite synagogue, anciennement tenue par l’Amicale des juifs d’Odessa, ils créent NIOM, amicale qui se lance comme un défi au vécu vers des valeurs généreuses et de partage. Rédemption, organiser son présent, revivre et recomposer des familles, et dans la chaleur fraternelle de la synagogue. Le temps des prières, les Chabbats où la petite société juive se réjouit, nos fêtes qui gèrent nos traditions, l’atmosphère d’un temps que la haine a emporté dans les méandres de l’oubli, parce qu’il faut effacer l’indicible, il faut rire, pleurer sa joie, les larmes ne sont pas les bienvenues et fraternellement unis comme si il n’y avait pas eu d’avant.

       Alors cette synagogue dans un coin obscur du Marais, au fond d’une courette où se côtoient le petit monde du textile, les seigneurs du prêt à porter, les rois de la mode, les boutiquiers, les façonniers, les ouvriers à domicile, modestes, toujours en retard d’une livraison « saison » oblige. Une lutte constante pour réussir, pour sortir de sa condition. La vie n’est pas tendre, la vie s’articule en yiddish, dans ce « mamelouch du schtetl » qui aujourd’hui explore notre intime. La clientèle de province et ses juifs isolés accourent dans ce bastion du Yiddisland avec la volonté mémorielle de renouer quelques instants ce qui fut. Cette synagogue est dédiée à la mémoire de nos parents et de tous les parents défunts, aux orphelins sans jeunesse dont nous sommes les derniers témoins. Également les derniers diffuseurs d’une mémoire qui se perd : à noter le destin de nos communautés disparues dont le rappel est gravé dans la pierre de Jérusalem. Une ultime postérité dans cette sépulture à ciel ouvert sous le ciel d’Israël. Notre « schtibélé » la synagogue de nos pères a une histoire, cette histoire est un rappel à tout un monde disparu, une mémoire de ce qui fut et que nous ne réhabiliterons jamais : mais sa survivance s’inscrit dans cet héritage juif à nul autre pareil, un patrimoine d’émotion et d’amour, un relai pour les nouvelles génération. La Shoah est inséparable de nos vies, pour beaucoup ces souvenirs sont gravés dans notre chair, présents en permanence dans notre intime. L’émotion nous paralyse mais il est bon de rappeler que le temps pour passer le flambeau de notre foi et de notre vécu est de loin plus court que celui que nous avons vécu.

       Il faut magnifier cette synagogue, orgueil d’un passé qui a fait de nos rêves de vie un fait, une légende imprègne ce lieu, l’âme de nos anciens plane sur nos destins, des larmes de joie doivent transfigurer leurs cœurs quand le chœur des prières entame sa liturgie chabbatique. Et nous, les rescapés présents aux offices tels des ignorants du fait religieux papotons sous le regard complice de l’officiant qui sait que si les mots sacrés nous ne les prononçons pas, la racine juive fait partie de notre ADN. En tant que survivants, nous nous devons de ressusciter ou à défaut de maintenir cet héritage. Nous le devons à nos parents, nous le devons à nous tous, une responsabilité mémorielle, plus qu’un devoir de mémoire c’est toute l’âme juive que nous sauvegardons. Cette synagogue est notre patrimoine commun, elle honore nos coreligionnaires qui après la Shoah ont retrouvé un lieu de vie. Elle rassemble dans un coin obscur du Marais un myniam honorable chaque Chabbat. C’est aussi à l’estime de nous-mêmes, dernier message à ceux qui en prendront la relève.

      Nous avons besoin de votre aide, donateurs connus et inconnus, amis proches, amis communautaires, amis des missions, amis qui découvrent notre histoire, fils de nos pères, soyez fidèles à cette noble tradition de générosité «  NE LAISSEZ PAS MOURIR NOTRE SCHTIBELE », la mémoire de nos pères est aussi la vôtre, il le faut, c’est notre ultime espoir pour que ce Schtibele pérennise son aventure spirituelle et de vie qui a débuté en 1914.

Bernard KORN BRZOZA (décembre 2021)

Pour tout renseignement ou pour faire un don, il vous suffit d’écrire à cette adresse : bernard.korn.brzoza@gmail.com

L’oratoire Netzah Israel Ohel Mordehaï de la rue Sainte-Anastase accueille l’association Les Amis d’Odessa depuis 2017. À notre tour d’accompagner Bernard KORN BRZOZA dans son devoir de mémoire par nos activités culturelles au sein même du schtibele. De nombreux conférenciers ont déjà apporté leur pierre à l'édifice.

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