Jeu d’échecs : « Les rois, les reines et les empires » (2/4)
par Ada Shlaen
Echiquiers à Brighton Beach-Little Odessa
2. La lutte de deux géants…
Dans la longue lignée de grands maîtres russes Alexandre Alexandrovitch Alekhineétait non seulement vu comme un joueur exceptionnel, mais il a été peut-être le premier à entrer dans la légende. Garry Kasparov1, treizième champion du monde de 1985 à 2000, dans son livre Mes grands prédécesseurs, lui rendit hommage en ces termes :
« Alexandre Alexandrovich Alekhine a été qualifié de génie de la combinaison. Cependant, son incroyable vision combinatoire se basait sur de solides fondations positionnelles et était le fruit d’une stratégie puissante et énergique. On peut affirmer sans hésiter qu’Alekhine était un pionnier du style universel, basé sur l’entrelacement ultime des motifs tactiques et stratégiques. »
Il était aussi l’auteur de plusieurs livres et manuels qui jouaient alors le rôle dévolu aujourd’hui aux ordinateurs. En absence de ces derniers, la lecture des livres consacrés aux échecs, avec les analyses des parties jouées par de grands champions avec les débuts, les milieux et les fins de partie, étaient pratiquement le seul moyen pour se former et progresser.
Alexandre Alekhine est né le 19 octobre 1892 dans une riche famille noble. Son père était député de la Douma, représentant le parti libéral qui prônait le passage vers une monarchie constitutionnelle. Ce cadet de trois enfants découvrit les échecs grâce à sa mère, considérée comme une bonne joueuse qui avait enseigné ce jeu très tôt à ses deux fils et sa fille. Les enfants intégrant l’école assez tard, ils avaient des précepteurs avant d’intégrer un bon lycée privé. Comme dans la famille de Nabokov, les langues tenaient une place importante et Alekhine parlait parfaitement le français, l’allemand et l’anglais. Encore adolescent, il commença à participer aux tournois, en prenant tout d’abord des places d’honneur et en les gagnant rapidement. À l’âge 17 ans il remporta le tournoi panrusse de Saint-Pétersbourg, organisé en hommage à Tchigorine, mort l’année précédente, obtenant 13 points sur 16 parties. Dès son plus jeune âge, il suscitait l’admiration en jouant des parties simultanées avec plusieurs partenaires ou bien des parties à l’aveugle. En 1914 il devint champion de Russie, ex-æquo avec Aaron Nimzovitch et termina troisième au tournoi international de Saint-Pétersbourg qui réunissait les meilleurs joueurs du monde dont le champion en titre Emanuel Lasker2 et son futur successeur le Cubain José Raul Capablanca3. Ces participations n’ont pas gêné son parcours scolaire, et après son baccalauréat, il s’inscrivit en droit et obtint sa licence au printemps 1914.
Le texte complet d'Ada Shlaen est consultable ici sur M@batim