Nos Livres
"Au fil de nos cheminements littéraires"
Bernard Dargols, un GI français à Omaha Beach
Caroline Jolivet
« Je savais que l'histoire de ma famille mêlait différents pays, différentes nationalités et surtout une certaine gravité sans mesurer à quel point ma propre histoire avait tenu à un fil. Mes grands-parents m'emmenaient à la rencontre de la grande Histoire par le biais du cinéma, me transmettant ainsi des messages. Leur émotion était palpable mais j'ai respecté que certains sujets ne puissent être abordés jusqu'au jour où, ensemble à New York, devant moi, mon grand-père répond simplement à la question qui lui est posée : « Bernard, comment se fait-il que tu te sois retrouvé dans l'armée américaine alors que tu étais français ?". J’ai alors 24 ans, l’âge qu’il avait lorsqu’il a débarqué à Omaha Beach, lorsque je sens que nous pourrons enfin partager cette histoire. Il avait gardé le silence pendant près de 40 ans jusqu’aux commémorations internationales de 1984 où il avait commencé à témoigner.
Mais le silence a mis plus de temps à s’effriter auprès de nous, sa famille. Ainsi, en 2005, dans cette ville de New York qui l’a accueilli en stage en 1938, je pose mes premières questions sur son parcours. Grâce à notre complicité, mon grand-père me confie son histoire jour après jour. Je le filmerai de longues heures ensuite et finirai par écrire son récit à la première personne. Le livre, Bernard Dargols, un GI français à Omaha Beach, édité en 2012 sera l’occasion de nombreuses conférences ensemble et il vient d’être republié chez OREP éditions à l’occasion du 80e anniversaire du débarquement. »
Caroline Jolivet-septembre 2024
Pour se procurer le livre : OREP Editions
Dieu Le Fit
Anne Bassi
Né en 1944 dans la Drôme, Christophe Lemaire est le fils d’agriculteurs endettés. Poussé par son instituteur qui décèle en lui une intelligence remarquable, il échappe à sa condition sociale et devient un brillant et célèbre avocat du Barreau de Paris.
Devenu riche et influent, un procès va pourtant faire ressurgir les fantômes du passé et deux secrets de famille qui vont bouleverser ses repères et lui faire comprendre que son destin est lié autant à son héritage familial qu’à l’Histoire.
Façonné par des événements lointains et des héros anonymes, qui Christophe est-il vraiment ? Comment retrouver ceux qui savent ? A travers sa quête d’identité, c’est tout un pan méconnu de l’Histoire de France qui se révèle.
Genèse du roman :
« Avec cette intrigue romanesque, j’ai souhaité avant tout rendre hommage aux Justes parmi les Nations, et éclairer le lecteur sur le sauvetage des enfants juifs du camp de Vénissieux par les organisations catholiques, protestantes et juives de la Drôme, en particulier à Dieulefit, la nuit au 28 au 29 aout 42. Ce sujet me tient particulièrement à cœur compte tenu de l’implication de mon grand-père, Charles Lederman, dans ce sauvetage. J’ai ainsi pu avoir un accès privilégié à une documentation concernant l’identité et le parcours des enfants sauvés et rencontrer leurs descendants.
Mais c’est aussi un roman qui plonge le lecteur dans les secrets de famille liés aux enfants cachés pendant la guerre, en particulier à Dieulefit, dans la Drôme.
Il y a un autre thème important : le triptyque Justice-Droit-Morale.
Enfin, j’ai voulu rappeler le rôle des femmes dans la résistance, en particulier quand elles ont accepté de cacher des enfants, très jeunes. »
Née en 1974 à Paris, Anne Bassi a été avocate pendant une dizaine d’années. Elle a ensuite créé une agence de communication qu’elle continue de diriger. Elle intervient par ailleurs dans de nombreuses conférences sur l’évolution du métier d’avocat et du marché du droit. Dieu Le Fit est son second roman.
"Dieu Le Fit", aux Éditions du Layeur (mai 2024)
Les Étoiles d’Odessa
Maud Lévy Berreby
La bibliothèque des Amis d’Odessa s’enrichit de l’ouvrage de Maud Lévy Berreby, "Les Étoiles d’Odessa", aux Éditions Amalthée (2024).
Fanny, égérie de la haute couture parisienne et londonienne, dissimule une histoire tragique. Enfant cachée parmi tant d’autres, elle a perdu sa famille en déportation. Au sortir de la guerre, elle puise dans les errances de ses ancêtres, un savoir-faire inné, une indomptable volonté de réussite.
La découverte d’une lettre de son grand-père réfugié à Paris pour fuir les pogroms, modifiera profondément sa relation avec sa fille. Ensemble, en quête de leur passé, elles partent à Odessa. Cette aventure faite de rencontres improbables bouleversera leur destin… Alors qu’une nouvelle guerre se déclare en Ukraine en 2022, l’ironie tragique de l’histoire fera ressurgir les fantômes du passé.
« ...Fanny est tourmentée, inquiète pour sa petite-fille Sarah, résidente à Odessa... »
Avec cette saga familiale, Maud Lévy Berreby convie les lecteurs à une réflexion sur la puissance de la mémoire familiale et rend un hommage émouvant aux victimes de toutes les guerres.
Maud Lévy Berreby est née à Bône en Algérie en 1949. Licenciée en sciences économiques, elle rentre à L'INSEE en 1968. Elle habite en Israël depuis 1978. Aujourd'hui à la retraite, un atelier à l'Institut français lui a fait découvrir l'écriture devenue aujourd'hui une vraie passion. L'écriture n'est qu'une pièce du puzzle dont la transmission aux lecteurs donne tout son sens. Si l'écriture est solitaire, seul le partage avec le lecteur lui donne toute sa singularité.
Maud Lévy Berreby publie en 2019 dans Amazon, un roman autobiographique intitulé « La Valise d’Ema ».
Son second roman Les Étoiles d’Odessa vient d’être publié aux éditions Amalthée.
50 balades pour redécouvrir Paris
Serge Nemirovski
Pourquoi Paris ? Car Paris, ville-Lumière, est chargée de toutes les attentes pour les Juifs d’Odessa qui, dès la fin du XIXe siècle, choisissent l’émigration comme ultime réponse à la politique discriminatoire de l’Etat tsariste.
« 50 balades pour redécouvrir Paris », aux éditions Larousse, a pour but de proposer des circuits de visite permettant de mieux comprendre l'histoire de Paris, comment la ville s'est formée et comment elle a évolué.
Ces circuits peuvent se faire à pied ou à vélo. Ils ont toujours un fil conducteur précis, une problématique. Ils couvrent la plupart des quartiers de la capitale, pas seulement les sites touristiques mais aussi des endroits auxquels on pense moins aller se promener - jusqu'au périphérique ! Ils replacent les grands monuments dans l'histoire de leur quartier. Et ils permettent de découvrir d'autres lieux moins connus.
L'accent est mis non pas seulement sur le patrimoine ancien, mais aussi sur des éléments plus inattendus dans ce type de livre, comme le patrimoine industriel, le patrimoine ferroviaire, l'architecture contemporaine ou le street art.
Quelques exemples de ces circuits, parmi les plus originaux : L'axe historique de Paris, du Louvre à La Défense. La coulée verte et la petite ceinture, deux anciennes lignes de chemin de fer reconverties en chemin de promenade. Les ponts de Paris. La rue de Vaugirard, la plus longue de Paris. Le canal Saint-Martin. Le canal de l'Ourcq. Le canal Saint-Denis. L'ancienne cité du vin de Bercy. Les places royales de Paris. Le Paris de Ladybug (pour les enfants...). Le Paris de Marcel Proust. Le Marais juif. Le Paris antique. Le boulevard Vincent Auriol, boulevard du street art. Les anciennes enceintes de Paris. L'architecture contemporaine du 13e arrondissement.
En plus de ces 50 circuits, le livre propose 9 doubles pages thématiques sur la capitale. Par exemple : Paris est-elle une ville maçonnique ? Le Paris souterrain. Le Paris des révolutions. Le Paris industriel. Le Paris d'Invader.
Serge Nemirovski est guide-conférencier, ancien diplômé de l'Ecole du Louvre. Il profite de son expérience sur le terrain pour présenter ce Paris différent. Comme son nom peut le laisser supposer, il a des origines en relation avec Odessa !
50 balades pour redécouvrir Paris, éditions Larousse (2022)
16 ans, Résistant
Robert Birenbaum
Le lendemain de la rafle du Vel d’Hiv., le 17 juillet 1942, alors qu’il allait rentrer dans l’épicerie familiale, Robert Birenbaum, jeune Français juif de bientôt 16 ans (Robert est Français par déclaration, il est né à Paris, ses parents sont naturalisés en 1935, bien que nés en Pologne) rencontre sa tante Dora, avenue Secrétan.
C’est lui qui raconte : « Elle était jeune, trente-deux ou trente-trois ans, et très belle ; c’était ma tante préférée. Elle me raconta pourquoi mon oncle avait été arrêté et mis en prison. Il était communiste et résistant. Sur sa lancée, elle me demanda si elle pouvait avoir confiance en moi. Si je le voulais, elle pouvait me faire entrer en contact avec des jeunes juifs communistes, des résistants. Mais ce devrait être un secret entre nous deux. Jamais je ne devais dire à mes parents qu’elle avait été mon instigatrice. J’acceptais sans hésiter. Elle me fit comprendre en très peu de phrases qu’il était toujours préférable de se battre, de vivre debout et dans la dignité, et de ne pas se coucher devant l’ennemi. Elle avait comme son mari un poste de responsable au sein du MOI (Mouvement Ouvrier Immigré) et me donna tout de suite un rendez-vous avec un camarade de la Jeunesse communiste. C’est ainsi que j’entrai dans la Résistance, dès le 17 juillet 1942. »
Le 18 juin 2023, le même Robert Birenbaum reçoit – enfin – des mains du Président Emmanuel Macron, la Légion d’honneur au Mont Valérien, après s’être recueilli dans la clairière où reposent nombre de ses camarades de résistance. 81 ans après avoir pris, sans s’en rendre compte, la décision la plus importante de sa vie…
Robert Birenbaum, malgré son très jeune âge, fit partie de 1942 à 1944 (sous le pseudo de « Guy ») de ceux qui recrutaient justement ces résistants FTP MOI. Triste ironie de l’Histoire, il devait intégrer ces FTP, en novembre 1943, lorsque les membres du groupe Manouchian (bientôt dénommés l'Affiche rouge" par les nazis) furent pris.
Son livre raconte à la première personne ses deux années incroyables au cours desquelles, avec d’autres jeunes gens, français et étrangers, juifs, communistes, parfois de simples adolescents comme lui, ils tinrent en respect collabos et nazis dans Paris et ses alentours. Lancers de tracts, vols d’armes, de machines à écrire, planques, attentats, sabotages et arrestations…
Raconter. Encore et encore.
Pour que personne n’oublie jamais…
Guy Birenbaum – auteur et éditeur (février 2024)
La Famille Halévy. De la Yeshiva de Fürth à l’Académie française
Béatrice Philippe
« Je me suis penchée sur la saga Halévy, sur un personnage unique venu à l’âge de 20 ans démuni en France. Elie Lévy a offert, au fil des générations, des descendants qui ont considérablement enrichi le patrimoine français… » (Béatrice Philippe – février 2024)
Elie LEVY, ce jeune juif qui quitte Fürth et le monde studieux de sa yeshiva (école talmudique de haut niveau), n'aurait pu envisager l'évolution de ses descendants, qu'il ne reniera jamais et dont il sera fier. Son fils aîné Fromental, prix de Rome et, le second, Léon, professeur à l'école Polytechnique, lui font honneur. Ils se sentent Français dans l'âme mais gardent leur spécificité. La Juive (1835), opéra de Fromental, ébranlera bien des préjugés antijuifs...
Ses descendants ne le décevront pas. Ludovic, son petit-fils, fera danser la France entière. Cet homme, tant admiré prendra la défense des innocents condamnés trop hâtivement par la Commune, s'indignera de la conduite des vieux messieurs, trop familiers des "petits rats" de l'Opéra et sera toujours un soutien pour sa cousine Geneviève, à l'adolescence si triste. Cette petite fille trop tôt orpheline épousera Georges Bizet et sera l'un des modèles favoris de Marcel Proust.
Tous défendront ardemment le capitaine Dreyfus au nom de la justice. N'oublions pas Anatole Prévost-Paradol, le fils adultérin de Léon, adopté et adulé par toute la famille et auteur de La France nouvelle. Il se suicidera lorsqu'il apprendra la défaite de la guerre de 1870. Puis au XXe siècle, après la guerre de 1914, le monde se transforme et l'arrière-petit-fils, Elie, le philosophe, mettra le monde en garde contre le péril nazi, alors que son frère Daniel, écrivain très doué et très sensible aux difficultés des classes laborieuses, choisit une voie différente.
Ce n'est pas fini et de nos jours encore, leurs descendants font partie de l'histoire de la France.
Béatrice Philippe Professeur émérite des Universités, spécialiste de l'histoire des Juifs en France, titulaire de la chaire de Civilisation juive a l'Institut national des Langues et Civilisations orientales, Béatrice Philippe a publié de nombreux ouvrages et organisé et présenté deux expositions : "Une tragédie de la Belle Epoque : l'Affaire Dreyfus" (1994) et "Voir Jérusalem, pèlerins, conquérants, voyageurs" (1997) qui se sont tenues à Paris (respectivement dans les mairies du Xle et du Ve arrondissement).
Entourée d'une équipe de spécialistes, elle a également été responsable de l'élaboration d'un DVD paru en 2006 : "L'histoire des Juifs de France, 2000 ans d'histoire et de patrimoine". A cette occasion, elle a présenté cet ouvrage à Paris, au Sénat, à la télévision et dans diverses villes de France.
Paroles et Destins de Femmes Juives. Engagement et Dialogues
Commission Nationale Culture du B’nai B’rith France
Introduction de Claire Rubinstein
« Nous avons créé, avec la Commission Nationale Culture du B’nai B’rith France, un groupe de travail sur ‘’Paroles et destins de femmes juives’’ qui, par leur engagement et leur courage, face à une actualité tragique, se révoltèrent et réussirent à changer le cours des évènements. D’autres femmes juives de différents pays brillèrent aussi par leurs talents qu’elles dédièrent à des causes universelles… » (Introduction de Claire Rubinstein)
Vous trouverez dans cet ouvrage le destin exceptionnel de ces femmes dont voici quelques noms : Chana Orloff (1888-1968, Empire russe), Rachel Bluwstein (1890-1931, Empire russe), Eugénie Averbuch (1909-1977, Empire russe), Sonia Delaunay (1885-1979, Empire russe).
Claire Rubinstein est Docteur en Histoire et Présidente de la Commission Nationale Culture du B’nai B’rith France.
MULTICINÉ
Boris Gourevitch, l’homme des complexes
Axel Huyghe et Arnaud Chapuy
Préface de Frédéric Mitterrand
En mai 1939, Boris Gourevitch, un entrepreneur juif originaire d’Odessa, ouvre son premier cinéma dans le quartier de la gare Saint-Lazare à Paris, le Cinévog. Spolié et dénoncé pendant l’Occupation, il parvient après la fin de la guerre et depuis son exil aux États-Unis à récupérer son cinéma. De retour en France, Boris Gourevitch lance dans le Quartier latin des « mini-salles » de cinéma, installées principalement dans des caves de vieux immeubles.
Avec l’Élysées-Lincoln, son nouveau cinéma de trois salles inaugurées en octobre 1969 avec More de Barbet Schroeder, Boris Gourevitch installe un concept qui va transformer durablement le paysage de l’exploitation : le complexe, ancêtre des multiplexes d’aujourd’hui.
Défenseur du cinéma d’auteur en facilitant la sortie de films difficiles, Boris Gourevitch finance et distribue les œuvres de cinéastes qu’il apprécie : Rainer Werner Fassbinder, Andrzej Wajda, Dino Risi, Luigi Comencini ou encore Mario Monicelli. Avec la libération sexuelle à la fin des années 1960, il spécialise deux de ses cinémas en salles pornographiques.
Aujourd’hui, la quatrième génération de la famille Gourevitch perpétue chez Multiciné l’indépendance de leurs cinémas Art et Essai et la défense des auteurs du monde.
À travers des archives exceptionnelles ainsi qu’un portfolio réalisé dans trois cinémas emblématiques – 5 Caumartin, Élysées-Lincoln et 7 Parnassiens – les auteurs nous offrent le récit multiple d’un homme visionnaire et passionné.
Boris Gourévitch sur salles-cinéma.com
L’invisible est lumineux
Maria Galina
traduit du russe par Denitza Bantcheva
Dans "L'Invisible est lumineux", Maria Galina parcourt l'Ukraine en s'inspirant de la "Description…" (1660) de Guillaume Levasseur de Beauplan, mais aussi du folklore d'Odessa et de l'imaginaire fantastique qui lui est cher. Achevé la veille de la guerre, ce recueil est empreint d'angoisse autant que de courage. Il offre toute la palette stylistique de l'auteur : vers libres, textes rimés, poèmes en prose, qui vont de la sobriété maximale au foisonnement d'images et de sensations.
Maria Galina, née en 1958, est connue des lecteurs français par ses romans "L'Organisation" et "Autochtones" (éd. Agullo), traduits par Raphaëlle Pache. "L'Invisible est lumineux" est son premier recueil de poèmes à paraître en français. Lauréate de plusieurs prix littéraires, Galina a quitté Moscou où elle habitait depuis 1987, pour revenir vivre à Odessa, peu de temps avant la guerre, souhaitant "être du côté de la lumière" ( Denitza Bantcheva).
Sauvés par la musique !
Maurice Vinitzki
Étant le Benjamin d’une fratrie de 4 frères et 4 sœurs tous musiciens, nous formions un orchestre familial. Mon père, ses frères, sa sœur Anna Joffo et sa maman étaient aussi musiciens. Mon père m’adorait, me racontait souvent des épisodes de sa vie et notamment qu’il jouait quelques fois avec ses cousins Polnareff ! … J’ai toujours voulu raconter la vie de mon père que je trouvais passionnante, et transmettre l’histoire de la famille à mes 22 neveux et nièces, moi qui suis le seul marié sans enfants.
Maurice Vinitzki – septembre 2023
Face aux vagues d’antisémitisme qui ont parcouru l’Europe de la première moitié du XXe siècle - des pogroms russes aux camps de la mort allemands en passant par les rafles françaises - notre famille a dû son salut à la clairvoyance et à la perspicacité de notre père.
Contre la barbarie, nous avons trouvé refuge et réconfort dans la musique : que ce soient les cantiques au temple de la Place Sébastopol de Marseille, le concert familial du huit août 1944 devant le château de la Chômette à St Beauzire ou l’entrée comme premier violon de mon frère Marcel dans l’orchestre des Chantiers de la jeunesse…
Maurice Vinitzki
« Sauvés par la musique ! » de Maurice Vinitzki aux éditions Ovadia
Sur nos traces. Récits de persécution, spoliation, réparations
Anne Grynberg
« Longtemps passée sous silence, la spoliation des « biens juifs » sur le sol français — du fait de la responsabilités des autorités d’occupation et du régime de Vichy — est mieux connue depuis une vingtaine d’années. Le discours du président Chirac prononcé le 16 juillet 1995 lors de la commémoration de la rafle du Vél’ d’Hiv’ a marqué un tournant décisif dans la politique publique de la mémoire en reconnaissant la complicité active du gouvernement du maréchal Pétain dans la persécution des Juifs, dont confiscations et pillages étaient partie prenante. À partir de 1997, la Mission Mattéoli a mené des recherches approfondies sur cette question et la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), mise en place en septembre 1999, s’emploie à « réparer » les pertes matérielles dans une approche qui revêt également une forte signification symbolique.
Cet ouvrage s’est donné pour objectif d’examiner la question des spoliations, des indemnisations et restitutions éventuelles — depuis l’immédiat après-guerre jusqu’à aujourd’hui — à travers quinze récits de familles juives différant par leur origine géographique — dont Odessa —, leur date d’implantation en France, leur lieu de résidence, leur situation socioéconomique, leurs options religieuses et politiques. Il contextualise ces destins « infra-ordinaires » dans le temps long, dans une articulation permanente entre histoires individuelles et « grande Histoire ». »
Anne Grynberg est Professeure émérite des Universités et Directrice scientifique du Comité d'histoire auprès de la CIVS.
À la recherche du temps passé
Catherine Guillaumat
Catherine Guillaumat est d’origine russe par sa mère, et a toujours cherché à retrouver les traces de ses ancêtres.
Après avoir cherché à Saint-Péterbourg les lieux où ils avaient vécu avant la Révolution bolchévique, après une descente de la Volga, de Moscou à la Caspienne (d’où cette photographie prise devant la cathédrale de Saratov), et un voyage à Malte, où sa grand-mère s’est mariée, Catherine s’est investie avec passion dans des recherches sur ses aïeux. A partir de documents familiaux et grâce aux ouvertures que ménage Internet au chercheur curieux.
Recherches qui l’ont plongée dans les soubresauts de l’histoire des 200 dernières années, en particulier la Révolution russe et les deux guerres mondiales.
Recherches qui lui ont fait rencontrer des caractères hauts en couleurs, à la personnalité affirmée, et quelques unes de leurs réalisations remarquables.
Des recherches aussi qui ont permis à Catherine Guillaumat des rencontres improbables et fructueuses, où elle voit le doigt de la Providence, et qui pimentent ce livre d’une touche très personnelle, et souvent émouvante.
Ce récit est destiné d’abord à ses enfants et petits-enfants, pour leur donner le goût de l’histoire et leur enseigner, que, dans les situations souvent dramatiques vécues par ses ancêtres, il ne faut jamais baisser les bras, quoiqu’il arrive.
Vous trouverez dans cet ouvrage richement documenté des tableaux généalogiques des familles Yarmonkine, Loewensohn et Raffalovich.
Catherine Guillaumat est titulaire d’une maîtrise de lettres modernes et diplômée de l’Ecole du Louvre.
Pour vous procurer le livre de Catherine Guillaumat, merci de vous adresser aux Amis d'Odessa :
Quand nous nous sommes réveillés
Nuit du 24 février 2022 : invasion de l’Ukraine
Luba Jurgenson
« Ce livre a été écrit dans les semaines qui ont suivi le 24 février 2022, jour de l’invasion de l’Ukraine. Au départ, c'était la parole orale, des propos adressés à mon entourage dans ce moment de sidération où toutes les formes d’écriture s’étaient interrompues, inutiles. S’y sont ajoutés des souvenirs remués par la guerre. Il est donc à la fois spontané et ruminé. Il se tient à part dans tout ce que j’ai écrit : c’est le livre qui n’aurait pas dû exister. »
Luba Jurgenson (juin 2023)
Luba Jurgenson, née à Moscou en 1958, vit à Paris depuis 1975. Elle enseigne la littérature russe à Sorbonne Université. Elle est vice-présidente de l’association Memorial France.
Hannah Arendt et la question juive
Michel Dreyfus
Sur l’antisémitisme, le premier volume de la trilogie d’Hannah Arendt (Les Origines du totalitarisme), à mi-chemin entre la philosophie et l’histoire, apparaît aujourd’hui indéfendable, et d’abord en raison de l’utilisation abondante d’écrits d’extrême droite, antisémites et nazis : les analyses sur les juifs de cour, l’émancipation des juifs européens, le rôle des Rothschild, la montée de l’antisémitisme en Europe à partir des années 1880 et l’affaire Dreyfus présentée comme une répétition du génocide, sont foncièrement erronées. L’antisémitisme allemand de la fin du XIXe siècle, la Grande Guerre et ses conséquences, la crise de 1929 et le nazisme, sont simplement ignorés ; en somme, les juifs, qui se considèrent comme le peuple élu, seraient responsables de leur malheur.
Pourquoi Hannah Arendt, juive allemande contrainte de fuir l’Allemagne en 1933, éprouve-t-elle une telle haine à l’égard des juifs ? Son mépris pour l’histoire et l’influence sur sa pensée de Martin Heidegger, du sioniste Karl Blumenfeld et de l’historien juif américain Salo Baron répondent à cette question.
Historien, directeur de recherche émérite au CNRS, Michel Dreyfus a écrit et dirigé de nombreux ouvrages sur l’histoire du mouvement ouvrier, notamment Le Siècle des communismes (Seuil, 2004). Il est également l'auteur de L'Antisémitisme à gauche. Histoire d'un paradoxe, 1830-2009 (La Découverte, 2009).
Les Amis d’Odessa recevront Michel Dreyfus le jeudi 4 avril 2024 pour une discussion autour de son ouvrage.
Lettre à Moïse
Un trio vraiment très swing
Remi Huppert
Lettre à Moïse, itinéraire contourné d’un Juif de Hongrie relate la vie de mon grand-père. Après une enfance en Hongrie, une existence de jeune adulte à New York, puis une arrivée à Paris à la veille de la Première guerre mondiale, Louis Charles Huppert, le protagoniste du récit, incarne les mutations et les errements de la fin du XIXème et de la première partie du XXème siècle, migrations, épisodes d’intégration et d’ascension sociale, émaillés de rejets xénophobes. L’ascendance de l’auteur est ici marquée par l’élan, l’esprit d’aventure et l’attachement à la France.
Lettre à Moïse – Éditions du Petit Pavé (petitpave.fr)
Un trio vraiment très swing est un roman historique, lié à l'histoire du jazz. Trois personnages, dont Ben, saxophoniste juif de Chicago, sont en quête de leur identité musicale mais, au-delà, d’un destin et d’une identité authentiques. Ici, jazz et liberté vont de pair. La littérature et la musique ont d’ailleurs en commun d'être un processus, elles cherchent, tâtonnent, contrairement à d'autres arts ou aux concepts de la philosophie présentés comme éternels.
Un trio vraiment très swing - Éditions du Petit Pavé (petitpave.fr)
Mes deux derniers livres se préoccupent d’origines, d’identité, de relation. Ils sont à l’image de mon travail littéraire. Il n’existe pas de route directe dans mes romans, le voyage traduit une recherche constante d'identité. Mes personnages se déplacent sans cesse, jamais en paix, tentant de comprendre d’où ils viennent. Toutefois, leur vie de nomades est circulaire, ils reviennent à leur place pour transmettre une sagesse nourrie d’expérience.
L'écriture reflète cette quête. Voilà pourquoi j'ai décidé d'écrire il y a quarante ans, ne trouvant aucun meilleur moyen de voyager, de rechercher, de découvrir l’Autre que soi. La littérature vise cela, découvrir, comprendre, se relier. Ecrire correspond à mon identité d’éternel vagabond qui va de ci-delà, découvrant l’infinie variété de la nature et de la culture humaines.
Remi Huppert, né à Paris en 1946, a écrit de nombreux essais et romans, dont L’Ombre de Laure, Le voyage à Leningrad, Mourir à Grenade, Le Cygne de Saigon, Destin d’un Juif de Chine, Au Palais du Ciel, La Partition de l’exil, Juifs d’ailleurs (ouvrage collectif), Lettre à Moïse, itinéraire contourné d’un Juif de Hongrie et Un trio vraiment très swing.
Voyage en Europe extrême. L’Ukraine
Pétropolis, diaphane… Sonnets et autres poèmes (2008-2018)
Marc Sagnol
Marc Sagnol, voyageur, écrivain, photographe, poète, parcourt l’Ukraine et la Russie depuis de nombreuses années, à la recherche de traces du passé, illustre ou tragique. Inspiré par les villes, les lieux historiques, les paysages, il nous livre des fragments de son monde intérieur dans les « Sonnets russes » et les « Sonnets d’Ukraine » contenus dans le recueil Pétropolis, diaphane… Plusieurs sonnets de ce recueil sont consacrés à Odessa, inspirés par les escaliers Potemkine, mais aussi par Babel et la Moldavanka.
Dans son livre sur l’Ukraine paru aux éditions du Cerf, Marc Sagnol se rend en particulier en Galicie et en Bucovine, sur les traces de Joseph Roth et Sacher-Masoch à Lemberg (aujourd’hui Lviv), Georg Trakl à Grodek, Bruno Schulz à Drohobycz, Samuel Agnon à Buczacz (Boutchatch), Soma Morgenstern à Ternopol, et Paul Celan à Czernowitz. Il s’intéresse aussi à quelques figures littéraires moins connues du grand public, comme Jiři Langer, de Prague, Artur Sandauer, l’ami de Bruno Schulz, Deborah Vogel, elle aussi amie de Bruno Schulz, à Lwow.
Marc Sagnol nous fait découvrir dans un caléidoscope les lieux qui inspirèrent ces écrivains, extrayant de l’oubli quelques parcelles de leurs œuvres. Un des fils conducteurs est la recherche de traces de la culture juive, jadis florissante, et de sa disparition dans la Shoah.
Destins brisés,
Itinéraires de Juifs en Mayenne
1939-1945
Edith Lécuyer-Gault, Aurélien Norgeot et Elodie Roland
"Avant 1939, peu de Juifs vivaient en Mayenne. C’est à partir de 1940 que des familles ou des personnes seules se réfugièrent dans notre département. Elles étaient pour une majorité originaires de Pologne avant de s’installer entre 1900 et 1930 en France notamment à Paris, dans le Nord ou encore dans le département de l’Aisne. Ils étaient commerçants, marchands ambulants ou artisans. De leur propre initiative afin de fuir les zones de conflit ou sur ordre de l'occupant, ces familles ou ces personnes seules ont dû quitter leur domicile et se réfugier en Mayenne en 1940 et 1941. À partir de septembre 1940, les ordonnances allemandes anti-juives et la politique antisémite du gouvernement de Vichy ont progressivement recensé, isolé, exclu et persécuté les Juifs en zone occupée. Les Juifs se trouvant en Mayenne n'échappèrent pas à ces persécutions. Il y a 80 ans, en juillet 1942, 44 arrestations de Juifs eurent lieu en Mayenne lors d’une première rafle. Une seconde rafle eut lieu le 9 octobre 1942 qui vit l’arrestation de 28 personnes dont 22 sont déportées. Une dernière rafle organisée en janvier 1944 vit l’arrestation de 4 personnes et la déportation de 2 d’entre elles".
Retrouvez ici l'intégralité du communiqué de presse du Mémorial des Déportés de la Mayenne
Mémoires de nos mères
Des femmes en Exil
Ce livre réunit neuf autrices dont notre Amie d’Odessa Denitza Bantcheva, toutes issues des diasporas du XXe siècle, autour des thèmes de l'exil et de la transmission. La filiation féminine est au cœur de leurs récits intimes où s'entremêlent les voix des grand-mères, mères, tantes et filles. Pour illustrer leurs souvenirs, elles ont fouillé dans leurs archives familiales, parcelles de l'histoire collective, formant un bouquet sensible et attachant.
« Ce livre édité chez Textuel en novembre 2022 a été conçu par Laurence Campa qui envisageait de raconter l’histoire de sa mère, venue en France depuis le Viêtnam. Elle a pensé qu’il devait y avoir d’autres femmes écrivains qui auraient la même envie et qu’il serait intéressant de les réunir. Le critique Eric Dussert lui a parlé de mon récit « Visions d’elle » (éd. Do) qui lui a donné envie de me contacter. Laurence voulait savoir si j’en avais assez de parler de ma mère, à cette étape, et je lui ai appris que je ne demandais pas mieux que l’occasion de recommencer. En définitive, toutes les mères dont il est question dans ce recueil ont des origines étrangères, mais une seule n’est pas venue vivre en France : la mienne, qui n’en était pas moins une exilée, dans son propre pays. J’espère que leurs destins vous toucheront et vous rappelleront des membres de votre famille, que ce soit par rapprochement ou par contraste. Si vous connaissez déjà certaines romancières qui ont contribué à ce recueil, je suis certaine qu’après l’avoir lu, vous les verrez sous un nouveau jour. »
Denitza Bantcheva
Vladimir Jabotinsky, "Le Mur de Fer - Les Arabes et nous"
traduction et présentation de Pierre Lurçat
En 1923, Jabotinsky publiait un article au titre devenu célèbre : Le Mur de Fer. Il y exposait sa conception du conflit israélo-arabe, élaborée au lendemain des émeutes de 1921 à Jérusalem, auxquelles il avait pris part en tant que témoin actif, ayant organisé l’autodéfense juive au sein de la Haganah. Cent ans plus tard, ses idées sur le sujet demeurent d’une étonnante actualité. Les articles réunis ici exposent une vision du conflit qui reste en effet très pertinente, tant à propos des racines du conflit israélo-arabe que des solutions que préconise Jabotinsky.
Celui-ci a en effet été un des premiers à reconnaître que le conflit entre Israël et les Arabes était de nature nationale et que la nation arabe n’allait pas renoncer à ses droits sur la terre d’Israël en échange des « avantages économiques » apportés par l’implantation sioniste. Mais ce constat lucide ne l’a pas conduit à préconiser un partage de la terre ou un État binational, contrairement aux pacifistes de son temps. L’originalité de l’analyse de Jabotinsky réside ainsi tant dans le respect qu’il porte à la nation arabe, que dans son refus de transiger sur les droits du peuple Juif.
Né à Odessa en 1880 et mort dans l’État de New York en 1940, Vladimir Zeev Jabotinsky est une des figures les plus marquantes du sionisme russe. Écrivain, journaliste et militant infatigable, créateur du mouvement sioniste révisionniste et du Hatsohar, il a conquis sa place parmi les fondateurs de l’État d’Israël, entre la génération de Théodor Herzl et celle de David Ben Gourion. Théoricien politique extrêmement lucide, il avait compris la vertu cardinale pour les Juifs de se défendre eux-mêmes, et dès la Première Guerre mondiale, il obtint leur participation militaire sous un drapeau juif à l’effort de guerre des Alliés.
Éditions L’éléphant - Paris/Jérusalem
Éditions L’éléphant – Livres consacrés à Israël, son histoire, son peuple, son pays et sa culture
Pierre Lurçat, essayiste, écrivain et traducteur, est né en 1967 à Princeton (New Jersey) aux États-Unis. Il collabore à diverses publications en France (Causeur, Commentaire, Politique internationale) et en Israël (édition française du Jérusalem Post).
Publications et traductions (liste partielle) :
Israël, le rêve inachevé : Quel État pour le peuple juif ? Max Chaleil, Éditions de Paris, 2018.
Seuls dans l’Arche ? éditions L’éléphant, Jérusalem 2021.
Jabotinsky, Vladimir et Pierre Lurçat, Histoire de ma vie, les Provinciales 2011.
Jabotinsky, Vladimir, et Pierre Lurçat, La rédemption sociale, éléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque, éditions l’éléphant 2021.
Contes de Bobè
d’Édith Apelbaum et Ilias Kyriakidis
éditions Boréalia
Édith Apelbaum publie chez Boréalia les « Contes de Bobè », un recueil de cinq contes. Ainsi que l’indiquent le titre et la couverture, le public visé est très jeune. Mais si on s’adresse aux enfants, on s’adresse forcément aussi aux parents. Le livre est donc destiné à tout le monde.
Le texte est d’Édith Apelbaum. Manuel Ruiz l'a rencontrée à la librairie Boréalia.
Manuel Ruiz : Madame, qui êtes-vous ?
Édith Apelbaum : Je ne sais pas si une présentation exhaustive de tout ce que j’ai fait dans ma vie passionnera les gens. J’ai fait pas mal de choses alimentaires. Mais je dois dire que ce qui a toujours compté depuis mon enfance, c’est la littérature. Je me suis nourrie dans les livres. Parfois, ils m’ont paru plus réels que la vie. Puis il y a eu un moment, pas très loin de la retraite, où j’ai réussi à trouver l’écoulement d’une veine un peu poétique. J’ai commencé à trouver ce qui me convenait.
MR : Mais pourquoi pour les enfants ?
EA: Pour moi, c’est un peu une surprise... Parce que je n’avais pas forcément d’intérêt pour ce type de littérature. Puis quand j’ai eu mes petites filles, que je me trouvais loin d’elles, je me disais : quelle sorte de grand-mère vais-je pouvoir être ? J’ai imaginé que ce que je pouvais faire de mieux, c’était utiliser ma veine littéraire et raconter des histoires. Comme ma première petite-fille est née sur un bateau, je l’imaginais regardant les nuages, les oiseaux, les arbres, je me suis mise à charger ces figures d’humanité, pour communiquer des choses qui me paraissaient essentielles. C’est ainsi que c’est arrivé.
MR. : Mais il y a également un côté culturel : Bobé, je crois que c’est yiddish ?
EA: Alors, c’est du yiddish, oui. Je n’étais absolument pas préoccupée de mes origines. Et puis, en prenant de l’âge, j’ai pris conscience qu’il ne s’agissait pas d’une religion, mais d’une culture, de laquelle j’étais proche sans le savoir. C’était comme si je me réappropriais un peu de mon histoire. Donc, je me suis mise à apprendre. Je ne suis pas excessivement bonne en langues. Je n’ai jamais réussi à parler ni hébreu, ni yiddish. Mais j’ai pu trouver dans ces langues un sens qui m’a énormément inspirée. Bobé, c’est la grand-mère. Quand ma petite-fille est arrivée, on m’a tout de suite demandé comment je voulais être appelée. J’ai dit : Bobé. Moi, je n’ai jamais appelé une grand-mère Bobé. Mais, en fait, Bobé peut être n’importe qui, une personne, une grand-mère tout simplement...
MR : Vous écrivez pour les enfants, mais ce sont les parents qui vont lire les contes. Donc, vous vous adressez aussi aux parents. Je veux dire qu’il y a une poésie sur l’environnement, sur les nuages, sur les arbres ?
EA: Oui. Ce n’est pas parce que j’ai voulu passer un message. Ce sont comme des tableaux qui en disent un peu sur notre monde. Mon livre, tel que je l’ai écrit, était un outil de transmission par l’intermédiaire des parents. Les enfants ne peuvent accéder à la profondeur de ces histoires que si les parents les lisent comme ça.
MR :Dans l’histoire de l’arbre qui attend l’oiseau, il y a un appel sur la solitude ?
EA: C’est ça. En même temps, c’est dit dans la poésie : le vent seul est capable de rassembler les amis. En somme le hasard détient la solution.
MR : Et vous allez continuer ?
EA:Je ne crois pas. Pas ces contes-là. J’écris un autre livre, mais qui n’a rien à voir avec ça. Et puis, ce ne sont pas vraiment des contes. Dans la tradition juive d’ailleurs, pas de nuages, peu d’arbres, il n’y a que des humains.
MR : Pourquoi Boréalia ?
EA: J’ai connu Émilie Maj parce que j’habite le quartier. Je lui ai montré mes textes, que j’avais essayé d’envoyer à des éditeurs. Cela me coûtait cher d’envoyer les papiers et les illustrations et je n’avais pas eu de réponse. Et puis, Émilie a flashé, et ça m’a fait très plaisir. Je suis surtout contente du beau travail qu’elle a fait, parce que j’aurais pu être éditée chez un éditeur prestigieux, mais il n’aurait pas fait ce travail.
MR :Vous avez fait lire ces contes à vos petits-enfants ?
EA: Évidemment. C’est un peu ma déception. Entre parents et enfants, ce n’est pas toujours idéal. Je pense que ma belle-fille et mon fils les ont aimés, mais je ne sais pas pour mes petites-filles. C’est sans doute pour elles un livre parmi d’autres. Mes petites-filles sont encore très jeunes. Elles le découvriront le moment venu. Je reçois par ailleurs tellement de retours que ça me réchauffe le cœur.
MR : Les enfants d’aujourd’hui sont mieux ou moins bien que ceux d’avant ?
EA: Ils sont dans notre époque. Ils sont au centre des familles. Je ne porte pas de jugement, je vois que c’est comme ça. Ils sont élevés d’une autre façon, avec moins d’autorité. Mais ce que j’écris est intemporel, on est dans un univers poétique.
MR :Avez-vous quelque chose à ajouter ?
EA: C’est difficile... Je pense que je m’inscris profondément dans ces histoires : la petite fille que j’étais, la recherche que j’avais, le sentiment de perte, d’absence. Où aller, que faire, quel chemin ? Et que la solution, c’est toujours la rencontre. Le nuage qui aime la lune et le nuage qui aime le soleil, celui qui a toutes les couleurs, et celui qui n’aime qu’une seule couleur... Une histoire de partage. Ce sont des histoires de partage.
MR : Je vous remercie beaucoup, et bonne chance à ce livre.
(Le Blogue de Manuel Ruiz 21 avril 2022)
Ghetto de Varsovie
Carnets retrouvés
de Marek Edelman
traduit par Sofia Lipecka
éditions Odile Jacob introduite et annotée par Constance Pâris de Bollardière
Le 2 octobre 2009, Marek Edelman, dernier commandant du soulèvement du ghetto de Varsovie, ultime représentant du Bund polonais, s’est éteint. Le jour de son enterrement, en cherchant dans un placard de l’appartement familial situé à Łódź, des amis trouvèrent, enfouis parmi des piles de vieux papiers, trois carnets à petits carreaux parsemés de l’écriture d'Edelman. Ses enfants se rappelèrent alors que ce dernier y avait consigné, des années auparavant, pendant la campagne antisémite de 1967-1968 durant laquelle il perdit son emploi de médecin, ses souvenirs du ghetto. Inachevées, ces pages ne traitent pas du soulèvement du ghetto d'avril-mai 1943 mais reviennent sur les autres activités de résistance menées par Edelman aux côtés de ses camarades bundistes, de l'automne 1939 aux grandes rafles de l'été 1942. Traduits du polonais par Zofia Lipecka, ces carnets retrouvés sont pour la première fois disponibles en français, dans une publication des éditions Odile Jacob introduite et annotée par Constance Pâris de Bollardière, avec un avant-propos d'Aleksander Edelman.
Constance Pâris de Bollardière est historienne spécialiste du Bund et des rescapés de la Shoah, directrice adjointe du George and Irina Schaeffer Center for the Study of Genocide, Human Rights and Conflict Prevention (The American University of Paris).
"Ghetto de Varsovie, Carnets retrouvés" de Marek Edelman aux éditions Odile Jacob
"Pleurons-les
Les Juifs de Paris et la commémoration de la Shoah
(1944-1967)"
par Simon Perego,
préface de Claire Andrieu
« On n’en parlait pas », se souviennent de nombreuses personnes ayant grandi dans la France de l’après-Seconde Gu erre mondiale au sein de foyers intimement marqués par les persécutions antisémites et la destruction des Juifs d’Europe. Cette difficile transmission intrafamiliale des épreuves endurées sous l’Occupation a cependant cohabité après la guerre avec un large éventail d’initiatives prises dans le monde juif pour commémorer ce que l’on n’appelait pas encore la Shoah. Et parmi ces initiatives figuraient en bonne place les cérémonies du souvenir qu’organisèrent notamment, dès l’automne 1944, des associations juives établies dans la capitale.
C’est l’histoire de ces commémorations – entre la Libération et la Guerre des Six Jours – que retrace ce livre. Se déployant dans tous les secteurs de la judaïcité parisienne et plébiscités par un public souvent nombreux, les rassemblements dédiés à la mémoire tant des victimes du génocide que des résistants et soldats juifs engagés dans la lutte contre l’Allemagne nazie constituaient un rituel sociopolitique, un vecteur de mémoire et une ressource identitaire de première importance pour les organisations qui les mettaient en œuvre et pour les personnes qui y assistaient.
Les commémorations participèrent ainsi pleinement à la reconstruction de la collectivité juive, aux évolutions qu’elle connut dans différents domaines et aux conflits qui la divisèrent sur fond de Guerre froide. C’est autour de ses morts que « l’archipel juif de Paris » revint à la vie au lendemain de la Shoah.
Simon Perego est agrégé d’histoire, maître de conférences en histoire contemporaine à l’INALCO (département d’études hébraïques et juives) et membre du CERMOM. Ses recherches portent sur les mémoires de la Shoah, les Juifs de France et la culture yiddish. Distinguée par le prix de thèse francophone en études juives (2017) et par le prix Henri Hertz de la Chancellerie des Universités de Paris (2018), sa recherche doctorale a été publiée chez Champ Vallon en 2020 sous le titre Pleurons-les. Les Juifs de Paris et la commémoration de la Shoah, 1944-1967. Il travaille actuellement sur les pratiques testimoniales en langue yiddish.
"Les Enfants de Cadillac"
par François Noudelmann,
En 1911, fuyant les persécutions contre les Juifs en Lituanie, Chaïm, le grand-père du narrateur, arrive en France. Afin d'obtenir la nationalité française, il s'engage dans l'armée et prend part à la Grande Guerre. Il est grièvement blessé par une bombe chimique. Il passe vingt ans interné, avant de mourir dans l'anonymat à l'hôpital psychiatrique de Cadillac, en Gironde. En 1940, Albert, le père du narrateur, est fait prisonnier et dénoncé comme Juif. Lors de la libération des camps, il met plusieurs semaines à rejoindre la France à pied depuis la Pologne. Il risque plusieurs fois d'être exécuté par des soldats nazis en déroute ou des militaires russes avides. Dans ce premier roman époustouflant, François Noudelmann emporte le lecteur dans les tumultes des deux conflits mondiaux. Les destins de son grand-père et de son père sont de véritables épopées, à travers lesquelles l'auteur questionne son identité française.
François Noudelmann vit à New York où il enseigne la littérature, la philosophie et dirige La Maison Française de NYU. Ancien président du Collège international de philosophie, il a également été producteur radio sur France-Culture pendant onze ans. Auteur de nombreux essais, traduits dans une douzaine de langues, il a notamment publié : Le Toucher des philosophes, Sartre, Nietzsche et Barthes au piano (Gallimard 2008, grand prix de Muses), Les Airs de famille, une philosophie des affinités (Gallimard 2012), Le Génie du mensonge (Max Milo 2015), Penser avec les oreilles (Max Milo 2019), Un Tout autre Sartre (Gallimard 2020). Il est aussi l’auteur de récits littéraires (Léo Scheer 2006), Tombeaux (Cécile Defaut 2012) et Les Enfants de Cadillac (Gallimard 2021), sélectionnés pour les prix Goncourt, Femina, André Malraux et Bourse Pierre de Monaco.
"Le semeur d’yeux, Sentiers de Varlam Chalamov"
par Luba Jurgenson
Ce livre est le fruit d’une longue expérience : celle de la lecture de Varlam Chalamov, écrivain majeur du xxe siècle qui fut aussi témoin d’une de ses réalités les plus sombres : le Goulag.
Témoignage ? Œuvre d’art ? Chalamov semble répondre par une formule fulgurante : « Ce qui devient grand dans l’art c’est ce qui, au fond, pourrait se passer d’art. »
Saisir un tel acte de création dans son émergence est l’ambition de cet ouvrage qui n’élude pas la dimension subjective des interprétations proposées. Les « clefs » offertes par Chalamov n’ouvrent pas tout, pas tout de suite. Aussi cette lecture suit-elle les sentiers tortueux par lesquels l’œuvre s’est construite. Elle épouse les détours, les va-et-vient d’une pensée à la chronologie bouleversée, au gré d’une mémoire fragmentée, censurée – celle des camps.
Et avec horreur
j’ai compris que j’étais invisible à quiconque
qu’il fallait semer des yeux
que le semeur d’yeux devait venir !
Luba Jurgenson est écrivain, traductrice et Professeur des Universités (Université Paris IV).
"De l'expression privée à l'expression publique de l'identité juive. Une nouvelle manière d'être Juif en France (1967)", publié en 2015 chez EME Modulaires.
par Renée Waissman-Hober
La guerre des Six Jours a suscité parmi les Juifs français un sentiment de solidarité avec l'État d'Israël. Comment réagit-on lorsque l'État hébreu est menacé de destruction durant ces mois de mai et juin 1967, cette situation ayant provoqué l'angoisse des populations israélienne et juive de la diaspora ? Comment se situe-t-on par rapport à soi, par rapport à l'autre qui n'est pas juif ? L'émotion collective ressentie par l'ensemble de la judaïcité française révéla l'émergence de l'expression publique de l'appartenance juive.
« C’est à la fois au sujet de ce phénomène nouveau de l’extériorisation de l’identité juive dans l’espace public et de sa définition multiforme, que l’auteur a souhaité faire connaître les résultats d’une enquête menée depuis le début du mois de mai jusqu’à la fin du mois de juillet 1967. »
LA FABLE DU CENTAURE
“Une BD initiatique pour aller vers l’Autre et comprendre le monde tel qu’il se transforme.”
Une BD écrite par Gabrielle Halpern et illustrée par Didier Petetin
La grand-mère cheval se lamente : « Qu'est-ce qu'on va faire d'elle ? C'est un bâtard ! C'est la transgression de la Nature ! ». Au-dessus du berceau, humains et chevaux se regardent avec méfiance... La jeune centaure n'entre dans aucune case : c'est une hybride ! Lasse des préjugés, elle décidera de partir à l'aventure. Ses rencontres multiples avec des animaux, des végétaux, des monstres et sa découverte des sciences l'aideront à se forger une philosophie de vie. Et si l'hybridation était une chance ? Et si tout devenait « centaure » : sciences, objets, matériaux, produits et services, modes de consommation et de commercialisation, entreprises, institutions publiques, métiers, bâtiments, manières d'innover, d'habiter et de travailler ? Une BD initiatique pour aller vers l'Autre et comprendre le monde tel qu'il se transforme.
Docteur en philosophie, chercheur associée et diplômée de l’École Normale Supérieure, Gabrielle Halpern a travaillé au sein de différents cabinets ministériels, avant de participer au développement de startups et de conseiller des entreprises et des institutions publiques. Ses travaux de recherche portent sur l’hybridation et elle est l’auteur de l’essai « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation » (Le Pommier, 2020) et de la bande dessinée « La fable du centaure » (HumenSciences, 2022).
Site Internet : Tous Centaures ! https://www.gabriellehalpern.com/
"Tribulations d’un jeune Juif polonais en URSS entre 1939 et 1946" de Maurice Drumlewicz
présente et commenté par Sylvie Drumlewicz-Lidgi
Le 6 octobre 1939, Maurice prend la route à la recherche de son frère Henri, enrôlé dans l’armée polonaise. Il a 18 ans. La guerre a éclaté un mois plus tôt et Zelechow, sa ville natale près de Varsovie, est dévastée par l’armée allemande. Il part pour Brest-Litovsk avec un groupe de copains, muni d’un simple baluchon, ignorant encore l’incroyable périple qui l’attend. Le 8 mai 1945, il est dans la taïga au fin fond de la Sibérie, à plus de 11 000 km de chez lui. Que s’est-il passé entre ces deux dates ?
L’envie d’écrire l’histoire de Maurice, mon père, m’est venue en janvier 2019, lorsque j’ai découvert le groupe Facebook Jewish Zelechow. David Luckowiecki, l’animateur du groupe, a le projet de faire revivre cette ville de Pologne peuplée avant-guerre d’une très large majorité de Juifs ; il m’a spontanément apporté une grande aide documentaire.
Pour construire le récit, je me suis appuyée sur les deux conférences publiques que Maurice a données et dont la transcription a été par la suite publiée dans la revue d’Histoire Ecrits d’Ouest (2006) et sur le récit plus intime recueilli et enregistré par sa petite fille, Nathalie. Au cours du travail de compilation du texte, de nombreuses questions ont émergé et notamment l’identification du chemin parcouru par Maurice dans ce nomadisme forcé à travers l’URSS durant ces 7 années. La recherche de réponses à ces questions et la fabrication des cartes ont complété le récit de Maurice. Le livre Tribulations d’un jeune Juif polonais en URSS entre 1939 et 1946, préfacé par Annette Wieviorka, est publié chez Fauves.
Depuis la publication du livre, d’autres questions ont vu le jour : qui étaient les Juifs polonais qui, comme mon père, ont passé les années de guerre en URSS ? Quels chemins ont-ils parcouru ? Qu’ont-ils fait pour survivre ? La mise en perspective des ‘aventures’ de mon père dans ce contexte là fait actuellement l’objet d’une recherche.
Sylvie Drumlewicz-Lidgi (janvier 2022)
"Traverser la cendre" de Michel Simonot
Après l'extermination: porter la parole du mort, lui donner les mots, pour qu’il demeure vivant.
Le mort peut-il dire je et prendre sa part du récit ? Il faut déterrer les mots pour espérer demeurer vivant.
Le mort, le témoin, l'acteur ou l'actrice doivent affronter l'Histoire, l'histoire et la nudité des faits.
"te donner ma langue / porter ta voix / dire les faits / raconter l’histoire - un poème / un chant
je te dis tu pour que tu puisses dire je"
Quelques commentaires… :
Robin Renucci :
(…) Traverser la cendre traverse courageusement l’indicible. Tu contribues avec ta pièce puissante à « fendre l’effroi». Cris, documents, poésie, évocations, listes, réflexions, faits s’associent en une sorte d’oratorio qui transmet des choses essentielles…Tu as raison de rappeler des épisodes souvent passés sou silence : par exemple les révoltes dans les ghettos et dans les camps, les noms des participants de la conférence de Wannsee, noms de ceux qui ont décidé, planifié le massacre des juifs d’Europe.(…) Tu arrives aussi à évoquer les Sonderkommandos, atroce réalité que les nazis ‘n’ont pas réussi à effacer (…)
Alain Girard-Daudon :
Peut-on écrire après Auschwitz ? Vieille et lancinante question.
Oui, parce que la pire mort serait de ne pas dire. Le silence et l'oubli.
Il faut « prononcer les noms/ comme on murmure des mots de passe/ souffler aux morts qu'ils sont encore vivants/ toi qui ne le sais plus. ».
Dans ce texte superbe, qui tient autant du poème que du texte théâtral, Michel Simonot redonne nom et vie à ceux qui ne sont plus que cendres, ceux qui sont morts d'être juifs ou différents, rebelles ou résistants. (…)
Il met, comme il faut, des mots sur l'horreur, et ces mots sont horribles.
La langue fait ce qu'elle peut pour dire ça l’inouï, l'indicible, quitte à bousculer violemment le lecteur.
On a, de fait, beaucoup écrit sur la Shoah, mais jamais assez encore, si l'on pressent que l'Histoire, toujours peut nous resservir les mêmes mauvais plats, et ce texte de Michel Simonot, Traverser la cendre, par son énergie de langue, sa construction très singulière, sa force de conviction, est tout à fait nécessaire.
Dashiel Donello. « Les dits du théâtre »
(…)L’auteur, à l’encre de la cendre, à trouver et écrit la langue d’après, qui est ici et maintenant, pour que l’humanité l’apprenne et la parle à son tour : « nous connaissions notre propre mort nous vivions pour la mort nous devions être des archivistes pour les vivants après les morts nous devions être des faiseurs de traces ».(…)
« Traverser la cendre » est un livre que les lecteurs doivent planter dans les mémoires d’autres lecteurs pour qu’éclosent des lettres fleurs sur la terre des ghettos : « entre les dalles fragments fêlés de ta silhouette tu crois voir il y a des fleurs des coquelicots à l’odeur de sang je veux les cueillir les offrir aux silhouettes qui me croisent ».
« Traverser la cendre » publié en 2021 aux Editions Espaces 34.
"Des coutumes qui font vivre" de Jean Baumgarten
suivi du
"Sefer ha-Minhagim" de Shimon Guenzburg (Venise, 1593)
Dans la société juive d’Europe centrale (Ashkénaz), les coutumes (Minhagim) jouent un rôle majeur et sont le résultat d’un processus de sédimentation d’usages et de discussions rabbiniques accumulées au fil du temps. Selon le Talmud, il arrive même que « la coutume efface la loi » dans le registre des règles régissant la vie de la communauté. Elle devient alors règle elle-même qui fait autorité, aussi bien pour l’individu que pour la collectivité. De nombreux Sifrei ha-Minhagim (Livres des coutumes) furent ainsi écrits en Europe entre le XIVe et le XVIIe siècle au moment où l’imprimerie s’implantait et le livre de Shimon Guenzburg, qui parut à Venise en 1593, a la particularité d’avoir été écrit en langue yiddish littéraire. Quel est le rôle du livre de coutumes? Qui en sont les auteurs? Que transmettent-ils de la vie de populations en but à la persécution et à l’exil?
Notre édition, composée d’une longue introduction sur l’histoire de ces ouvrages, ainsi que sur cet auteur et ce livre en particulier, en propose une traduction annotée qui insiste sur la dimension populaire de la littérature en yiddish, et nous informe jusque dans les moindres détails de ce que fut la vie juive des communautés ashkénazes, qui durent le plus souvent fuir leur pays d’accueil pour trouver refuge en Italie, comme ce fut le cas de Shimon Ha-Levi Guenzburg, où il contribua à l’essor de l’imprimerie de livres juifs à Venise et dans sa région.
Nous vous proposons de retrouver une présentation de l’auteur, un entretien de Jean Baumgarten avec Michel Zlotowski sur Akadem et une Visioconférence du Mahj avec Jean Baumgarten, Patricia Farazzi, Arnaud Bikard, présentée par Michel Valensi sur le site des Editions de l’éclat : https://www.lyber-eclat.net/livres/des-coutumes-qui-font-vivre/
"Thésée, sa vie nouvelle" de Camille de Toledo
Les Amis d'Odessa vous recommandent quelques articles choisis sur l’ouvrage de Camille de Toledo, Thésée, sa vie nouvelle :
L’Histoire, octobre 2020, par Pierre Assouline
https://editions-verdier.fr/wp-content/uploads/2020/10/De-Toledo_LHistoire_oct-2020-scaled.jpg
Diacritik, 19 août 2020, entretien réalisé par Johan Faerber
Des articles supplémentaires sont disponibles sur le site des éditions Verdier :
Le yiddish, une «langue assassinée» qui n’a pas dit son dernier mot
TRIBUNE. Dans « Autour du yiddish de Paris à Buenos Aires », le chercheur américain Alan Astro montre la survivance d’une langue qui n’a pas disparu avec la Shoah. Michaël de Saint-Cheron, philosophe des religions, a lu cet essai foisonnant. Une invitation au voyage dans le Yiddishland.
La langue française n’a aucun secret pour Alan Astro, universitaire spécialiste de littérature yiddish à Trinity University à San Antonio, au Texas. Polyglotte, passant de l’espagnol à l’hébreu, de l’allemand au français, Alan Astro est un yiddishophone reconnu et il publie aujourd’hui en français directement « Autour du yiddish de Paris à Buenos Aires » (Classiques Garnier, 26 euros).
Il nous conduit sur un chemin fascinant à la rencontre d’Apollinaire, de Wolf Wieviorka, écrivain de son état et grand-père d’Annette, Michel et Olivier Wieviorka, assassiné à Auschwitz le 18 janvier 1945, lors des Marches de la mort. Au cours de notre voyage linguistique et géographique, nous rencontrons encore Elie Wiesel et son mentor François Mauriac, puis Grünberg, Borges, écrivant ce texte bref mais si profond : « Moi, un juif » (« Œuvres Complètes I », La Pléiade).
L'article complet publié le 12 août 2021 par Michaël de Saint-Cheron est consultable sur nouvelobs.com
« Le club des policiers yiddish » de Michael Chabon
Pratiquement depuis la fin du XIXᵉ siècle, lorsque les États-Unis sont devenus le plus important pays d’accueil pour les Juifs européens, venant surtout de l’Empire russe, dans la littérature américaine apparut un domaine important, dédié à la thématique juive.
Avant la première guerre mondiale et entre les deux guerres le yiddish était encore le moyen d’expression couramment utilisé, car il était pour ces écrivains leur langue maternelle ; quelques-uns comme Isaac Bashevis Singer, prix Nobel de littérature de 1978, lui restèrent fidèles tout au long de leur vie. Mais les générations suivantes passèrent à l’anglais américain, tout en restant très marqués par des motifs juifs. Nous avons eu alors toute une pléiade d’écrivains remarquables comme Philip Roth, Bernard Malamud, Saul Bellow et bien d’autres.
Malheureusement cette génération a commencé à nous quitter à l’orée du XXIᵉ siècle, mais la problématique juive n’a pas disparu pour autant ; elle fut reprise par des auteurs plus jeunes, nés après la Seconde guerre et qui enrichirent grandement cette littérature américano-juive par de nouveaux genres comme les policiers, les romans de science-fiction, voire les fameuses B. D. que la littérature yiddish classique n’eut pas le temps de développer.
Michael Chabon, né en 1963, est un bon exemple de ces écrivains américains profondément attachés à leur héritage juif. Dans sa famille, le yiddish était constamment présent, car les aînés l’utilisaient couramment, mais en même temps cette langue servait de moyen d’exclusion pour des jeunes qui l’ignoraient, tout en assimilant par-ci par-là, quelques mots et expressions.
Ses deux premiers romans Les Mystères de Pittsburg (1988) et Des garçons épatants (1995) étaient déjà des succès importants, d’autant plus que son second roman connut une excellente adaptation au cinéma grâce au metteur en scène Curtis Hanson et surtout à Michael Douglas dans le rôle de Graddy Tripp.
Michael Chabon aime bien utiliser comme point de départ des faits avérés, mais ensuite il crée dans ses romans une réalité uchronique, c’est-à-dire qu’il nous présente des évènements fictifs et complètement imaginaires. Ainsi dans son roman Le club des policiers yiddish qui se passe en Alaska, il bâtit un univers totalement inventé, mais avec des éléments véridiques qui semblent même plausibles.
Le texte complet d'Ada Shlaen est consultable ici sur M@batim
« Théodore Fraenkel, les mille et une vies d'un esprit dada »
Faire sortir de l’ombre Théodore Fraenkel, maître dans l’art de se rendre invisible, c’est le propos de Gérard Guéguan. S’intéresser à Fraenkel, c’est se retrouver dans l’intimité de Vaché, Breton, Tzara, Aragon, Desnos, Leiris, Bataille, Giacometti et tant d’autres. C’est aussi entendre la voix d’un acteur des événements majeurs du XXe siècle, avec leur lot de chaos et de boucheries, d’espoirs et de fraternité. C’est enfin se prendre d’affection pour un héros discret, médecin humaniste à la vie aventureuse. Tout cela méritait d’être raconté comme un roman. Pari réussi.
Romancier prolifique, traducteur, de Bukowski notamment, critique de cinéma, éditeur, Guéguan nous offre ici un récit haletant et rythmé*. Il puise ses sources dans des entretiens avec des témoins, Jean Fraenkel en particulier, neveu de Théodore. Il a également eu accès à des archives récemment ouvertes. A travers un ample recours à des citations dans le texte, la parole est directement donnée aux protagonistes. Fin connaisseur de l’histoire des avant-gardes, il restitue à merveille ce moment inouï où, au cœur de la Première Guerre mondiale, une poignée de jeunes gens (Fraenkel, dans ses Carnets : des « morts en sursis »), croit dur comme fer que la poésie changera le monde.
Au sein du petit groupe, Fraenkel est celui dont on espère l’approbation, tout en redoutant la critique acérée, l’ironie féroce : « Rature, voilà qui est bien trouvé », raille-t-il l’intitulé pompeux de la revue Littérature. Terroriser le bourgeois avec les outrances Dada, oui. Mais ne comptez pas sur lui pour céder à la vanité de vouloir faire œuvre. Ni pour être retenu longtemps par une entreprise collective. Assez vite il réalise que la révolution invoquée par les surréalistes ne serait que de papier. Lorsqu’il s’agira de choisir entre Tzara et Breton, sans juger quiconque, il restera fidèle en amitié au premier, pour se tenir à prudente distance des jeux de pouvoir du second, et des palinodies d’Aragon. Sommé de s’expliquer, il expose sa position : « Mon activité ? Ce terme, appliqué à moi, ferait sourire tous ceux qui me connaissent. Elle ne saurait se restreindre ni s’élargir, étant certainement aussi voisine que possible du néant. (…)Le goût que j’ai pour mon indépendance est si fort qu’il est le seul, je crois, à m’inspirer un mobile altruiste : le respect, la passion de la liberté individuelle pour tous. »
Tout aussi singulière et rebelle est sa conception de la médecine. Fraenkel rédige en effet, en compagnie de Desnos et d’Artaud, dans un numéro de la Révolution surréaliste paru en 1925, La lettre aux Médecins-Chefs des Asiles de Fous, texte précurseur du mouvement antipsychiatrique. Nous découvrons également au fil des pages comment, tout au long de sa carrière, dans son cabinet, le Doc pratiquera une médecine de l’écoute. Un seul credo : apaiser les souffrances, de ses amis écrivains ainsi que des anonymes, dans l’irrespect parfois des lois (traitement des toxicomanies, avortements), mais en accord avec une conscience en avance sur son temps.
La deuxième partie du livre met en scène un homme aux prises avec l’Histoire. Fraenkel côtoie la mort sur le front dès 1916 (né en 1896, dans une famille de mencheviks juifs exilés en France, il est appelé sous les drapeaux en 1915 en qualité d’infirmier): « Je porte des blessés sur mon épaule et suis couvert de boue ». Une fois ses examens de médecin auxiliaire réussis, il parvient à l’été 1917 à rejoindre une mission médicale en partance pour la Russie, qui lui apparaît comme la Terre promise. Objectif Odessa, en pleine violence révolutionnaire, où il espère revoir la belle Mirotchka aux cheveux de feu, son premier amour. Retrouvailles décevantes, dans la mesure où celle-ci a épousé, non seulement la Révolution, mais aussi un bolchevik.
Il reviendra à Odessa en 1944, dans le bataillon de chasse Normandie-Niémen. Dans un Tupolev il pourra contempler du ciel la matérialisation de son rêve, la défaite du nazisme, en survolant Königsberg en flammes. Mais il aura l’occasion de retrouver quelques rescapés de sa famille et d’entendre le récit de l’horreur d’octobre 41 : 44'000 Juifs assassinés en trois jours.
A deux reprises il franchira les Pyrénées. Une première fois en train, en 1936. En guise de vacances, le Doc gagne Barcelone avec un convoi de sérums et de vaccins de l’Institut Pasteur. Comme nombre d’intellectuels français, il a pris fait et cause pour les républicains espagnols. Il est un des rares, en revanche, à l’instar de Malraux, à décider de partir. Il observe la bravoure, la désorganisation, du camp républicain, et comprend vite que la victoire de Franco, prélude au triomphe fasciste dans toute l’Europe, est inéluctable. Une seconde fois à pied, pour sauver sa peau. Juif, porteur de faux papiers (procurés par l’ami Desnos, habile faussaire), sa vie ne vaut plus grand-chose dès la fin de la zone dite libre, en 1942.
On a beau priser l’anonymat, il est des circonstances qui vous obligent à prendre la parole. Le lecteur découvre ainsi que, la guerre achevée, Fraenkel publiera dans Les Temps Modernes, sous ses seules initiales, T. F., son récit Évasion de France. Ou comment, en quelques jours et mille mensonges, les passeurs successifs vous font gagner la liberté en vous allégeant de tout le reste. C’est également en 1946 qu’il fera paraître son hommage à Robert Desnos, mort du typhus dans un camp, dans la revue Critique. Voilà pour son œuvre assumée. On peut aussi lire, outre ces deux publications de son vivant, les Carnets 1916-1918, parution posthume aux élégantes Éditions des Cendres en 1990.
Secret jusque dans la mort, Théodore Fraenkel choisira la fosse commune. Écoutons Aragon prendre congé de lui, dans les colonnes des Lettres françaises, le 26 janvier 1964 : « Fraenkel parlait le langage du Père Ubu (…) Il est toujours resté l’homme de ce temps, avec ce brusque rire bas, qui remettait à leur place les choses et les gens. (…) Et je ne suis pas sûr que sa profession fût plus la médecine que l’amitié ».
Article de Marco Dogliotti paru dans le journal Le Temps du 13 mars 2021
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* Gérard Guégan, Fraenkel, un éclair dans la nuit, Éditions de l’Olivier, 2021
« L'édition hébraïque à Berlin dans l'entre-deux-guerres » de Gil Weissblei
Gil Weissblei, ancien archiviste de la Bibliothèque Nationale d'Israël, a publié en 2019 un livre passionnant, intitulé "L'édition hébraïque à Berlin dans l'entre-deux-guerres[1]" aux Editions Carmel à Jérusalem, dans lequel il s'intéresse non seulement aux auteurs, mais aussi aux éditeurs et aux philanthropes dont la générosité, l'ardeur sioniste et l'amour de l'hébreu ont permis la publication des auteurs hébreux, et donc ont contribué pour une grande part au renouveau de la littérature hébraïque.
Après un bref aperçu de l'histoire de l'édition hébraïque jusqu'au XIXe siècle, l'auteur s'attache à l'histoire de quatre maisons d'édition hébraïques qui furent actives à Berlin dans l'entre-deux-guerres. Il insiste aussi sur l'activité éditoriale des plus grands auteurs de cette période, entre autres Bialik, qui se déploya à Berlin durant cette période.
Gil Weissblei décrit minutieusement l'aspect technique de la fabrication des ouvrages, ce qui donne des parties passionnantes sur l'évolution des fontes hébraïques, la collaboration entre auteurs, éditeurs, graphistes, imprimeurs et relieurs et les différentes techniques de gravure.
Les quatre maisons d'éditions sur lesquelles se concentre l'ouvrage de Weissblei ont un point commun : l'aspiration à produire un nouveau standard de haute qualité, aussi bien du point de vue de l'esthétique que celui du contenu, pour le livre hébraïque qui, au début du siècle précédent, était d'un niveau très inférieur au point de vue graphique. La littérature religieuse et les brochures sionistes étaient produites à un coût minimum afin de permettre une fabrication et une diffusion à bas prix. Les quatre maisons étudiées dans cet ouvrage- "Ha Sefer ", dont le propriétaire était Shlomo Zaltzman; "Rimon" dont la propriétaire était l'historienne d'art juif Rachel Bernstein- Wichnitzer; "Yvne" dont le propriétaire était Meir Feivel Shapiro et "Yoval", qui éditait des partitions sous la direction du musicien Yoel Engel - voulaient apporter au monde hébraïque en pleine renaissance ce que Weissblei appelle des "ouvrages de qualité bibliophilique", c'est-à-dire éditer des livres de haute qualité, non seulement en terme de contenu, mais également en tant qu'objets d'art.
Il étudie l'économie de ces maisons d'édition, leur financement, leur lectorat, leur diffusion et ce grand paradoxe : le lectorat en hébreu n'est pas très important, et cependant les maisons d'édition fleurissent. En effet, ces ouvrages, assez coûteux, étaient destinés pour la plupart à la haute bourgeoisie juive, qui, dans sa grande majorité, ne lisait pas l'hébreu mais soutenait pour des raisons idéologiques le renouveau de la langue hébraïque et, dans certains cas, le sionisme.
Cette activité est replacée dans son contexte politique et économique. L'Allemagne à cette époque était en proie à une inflation galopante, ce qui permettait d'y éditer des ouvrages de qualité à bas coût, si les éditeurs pouvaient payer leurs fournisseurs et leurs collaborateurs en devises étrangères. De plus, Berlin fut dans l'entre-deux-guerres un grand centre de l'émigration russe, juive et non-juive, avec une vie culturelle russe d'une intense richesse. Cette ville a vu arriver plusieurs vagues d'émigration provenant d'abord de la Russie tsariste, puis de la jeune Union Soviétique. L'auteur montre très bien l'influence des revues russes publiées à cette époque à Berlin sur certaines publications hébraïques.
Berlin fut aussi le centre d'une importante activité éditoriale en yiddish, rivale et concurrente de l'activité hébraïque. Les éditions en yiddish étaient fortement influencées par l'expressionisme allemand et le constructivisme russe, elles s'inscrivaient dans la modernité européenne, alors que les éditions hébraïques, plus traditionnelles tiraient leur inspiration de l'art juif populaire.
La montée de Hitler au pouvoir sonna le glas de cette floraison. Les maisons d'édition hébraïques fermèrent les unes après les autres, et les éditeurs transférèrent leur activité soit à New-York, soit en Eretz Israël. Comme le dit l'auteur en conclusion, "une génération s'en va, une génération s'en vient".
Rosette Azoulay (juin 2021)
[1] “תחייתה של אמנות הספר העברי ברפובליקת ויימאר”
Scénariste, actrice, conteuse radio et réalisatrice de films, Caroline Grimm est aussi l’écrivain de plusieurs romans : « Moi, Olympe de Gouges », paru chez Calmann-Lévy qu’elle adapte et joue au théâtre pendant un an. « Churchill m’a menti » paru chez Flammarion et largement salué par la critique et enfin « Vue sur mère » son précédent roman publié aux éditions Héloïse d’Ormesson.
Aujourd’hui, elle nous présente son nouvel ouvrage « Ma double vie avec Chagall » paru aux mêmes éditions Héloïse d’Ormesson.
Marc Chagall est l’objet d’un paradoxe. Nous croyons tous le connaître car nous avons en tête le plafond de l’Opéra de Paris et le style de ses tableaux, ses rabbins volants, ses musiciens en équilibre sur les toits, ses animaux colorés ... Mais derrière sa notoriété, et les motifs inimitables de sa peinture, l’homme et sa destinée nous demeurent largement inconnus.
C’est à leur découverte que Caroline Grimm nous invite.
Caroline Grimm, retrace ici le destin de Moishe Shagalov, que l’on appellera bientôt Marc Chagall, depuis son arrivée à Paris, cœur battant de l’avant-garde artistique en 1911, à l’âge de vingt-trois ans.
Prêtant sa voix à Bella, l’éternelle fiancée de Chagall, son amour légendaire, sa muse, sa femme icône qui est restée à ses côtés pendant trente-cinq ans, elle revisite les tableaux du peintre, comme autant d’expression de ses états d’âme. Lui, le pauvre gamin d’un shtetl de Biélorussie n’aura de cesse de croire en ses rêves malgré les échecs, les persécutions et les drames que lui réserve le siècle.
De Vitebsk à Paris en passant par Berlin, Moscou et New York, Caroline Grimm nous invite à voyager dans l’univers incomparable de cet artiste de génie, qui a érigé la beauté, la couleur et l’art en rempart face à l’adversité.
Ma double vie avec Chagall célèbre ce destin hors du commun et déroule la toile d’une vie illuminée par la foi, la joie de vivre, le lien avec la nature, le cosmos et la joie d’aimer.
La déliquescence de la communauté juive d’Odessa au début du 20ème siècle, c’est le thème de ce très beau roman de Vladimir Jabotinsky, écrivain, journaliste et aussi un des leaders de l’Organisation sioniste mondiale. L’auteur décrit la décomposition du judaïsme odessite à travers l’histoire d’une famille juive assimilée, aisée, dont les cinq enfants, au départ promis à un bel avenir, vont tous mal finir, tombant dans la mort ou la déchéance. Pour Jabotinsky, la cause en est l’assimilation des Juifs via leur russification, un thème qui le hante. La date pivot du récit est 1905, année de la première révolution russe, prélude à la future révolution bolchévique, et année d’un pogrom où périrent 400 Juifs.
L’histoire est racontée par un narrateur, un journaliste, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à l’auteur. Elle est écrite en russe et en dialecte odessite, soit du russe mélangé à du yiddish, de l’ukrainien, du polonais et du grec. C’est une ode nostalgique et néanmoins flamboyante à l’Odessa de jadis qui n’existe plus depuis longtemps. Le texte est dense, complexe, exubérant, inventif, foisonnant et parfois énigmatique. La plupart des personnages sont extravagants. Les connaisseurs estiment que certaines pages de ce roman comptent parmi les plus belles de la littérature russe.
Les Cinq, ce sont trois garçons et deux filles, à savoir un voyou particulièrement immoral, un crétin, une jeune fille fort légère, une révolutionnaire tordue et un traître au judaïsme. Le père est très effacé, la mère, intelligente et sensible, n’a plus la moindre prise sur ses enfants. La famille ne parle que le russe. Le judaïsme est inexistant, il n’y a qu’un seul livre juif dans la maison, une Histoire des Juifs, et il faut attendre la fin du récit pour voir apparaître des thèmes juifs et notamment un enterrement juif pour un des Cinq. Le sionisme est ignoré et quand le narrateur y fait allusion, il se heurte à l’indifférence la plus totale. Le thème de la conversion au christianisme affleure de temps à autre jusqu’à ce que le dernier fils saute ce pas fatidique.
Le rideau s’ouvre à l’opéra d’Odessa où est représenté Monna Vanna, un drame historique de l’écrivain belge Maurice Maeterlinck. De sa loge, le narrateur repère une petite Juive à la chevelure rousse, on dirait un petit chat sortant d’un manchon, c’est Maroussia, accompagnée de sa mère, Anna Mikhaïlovna. L’ambiance est chaude, au poulailler, une dispute tapageuse agite une troupe d’étudiants remuants à propos de l’interprétation à donner à une scène un peu scabreuse du spectacle. Maroussia observe et se demande lequel de ces étudiants ne l’a pas encore embrassée.
Jabotinsky se disait féministe, affirmant que les femmes sont généralement meilleures que les hommes. Dans ce roman, il donne en effet aux femmes les premiers rôles, tout en les qualifiant parfois de chaton ou de petite chatte, des expressions condescendantes.
Maroussia est le personnage principal. Elle adore les garçons. Elle a l’habitude de se balader suivie d’une bande d’une vingtaine de jeunes gens qu’elle appelle ses « passagers », auxquels elle accorde des faveurs généreuses mais circonscrites ; au fil des ans, elle renouvelle sa troupe d’admirateurs. Plus tard elle deviendra une parfaite épouse, mère de famille et maîtresse de maison, une sagesse qui ne durera qu’un temps. Elle et le narrateur se fascinent l’un l’autre, mais leur « roman » restera pourtant inabouti car le narrateur règle sa conduite en fonction de l’amitié profonde qu’il voue à la mère des Cinq, Anna Mikhaïlovna. Le narrateur émet sur Maroussia un jugement fort bienveillant : elle a, dit-il, de naissance, une capacité inouïe de tendresse et elle sème cette tendresse aux quatre vents, sans se demander si cela en vaut la peine. Il considère cependant Maroussia comme un personnage décadent.
Nettement plus décadente mais cependant moins que les trois garçons de la famille, la deuxième fille est une révolutionnaire fort étrange. Lika est d’une beauté éblouissante, yeux au bleu profond, cheveux noirs, le profil de la statuaire grecque, les épaules sublimes, d’une élégance recherchée, mais elle se ronge les ongles et porte un cilice rugueux sous ses vêtements. Elle vit avec un certain Vernicci, un Italien qui travaille pour l’Okhrana, la police secrète des tsars. Le narrateur lui dit : « Vous êtes un monstre, Lika ; vous vivez avec un espion, vous l’aimez comme une petite chatte, et vous-même, vous l’espionnez pour d’autres (les révolutionnaires). Je ne crois pas qu’une bonne cause, quelle qu’elle soit, justifie cette sorte de service ». Lika lui répond : « Si, si ».
« Vipère lubrique, visqueuse », cette violente insulte lancée par un parent de la famille vise Torik, le petit dernier des Cinq, qui a choisi de se convertir au christianisme. La déception est d’autant plus grande que Torik est le seul des Cinq à avoir été un élève assidu à l’école et à faire des études. Torik estime que même les « nés natifs des marais de Pinsk », ceux qui parlent le « jargon yiddish », même ceux-là s’assimilent ; le peuple juif se décompose, se disperse, il n’y aura pas de retour en arrière vers soi ; ni le sionisme ni le Bund ne pourront l’empêcher car, dans vingt ans, il ne restera qu’une seule chose - « le désir d’être comme les autres peuples », fin de la tirade du jeune homme. Torik préfère prendre les devants et se débarrasser du judaïsme immédiatement.
Vladimir Jabotinsky confirme qu’il est un écrivain brillant tout en ne s’éloignant pas de ses préoccupations sionistes. Sans le dire ou à peine, il plaide ici une fois de plus pour l’alya, le départ des Juifs en Eretz Israel, seule solution pour échapper à l’assimilation et aux persécutions. Vladimir Jabotinsky reste néanmoins profondément amoureux de sa ville natale. Au fil des pages, il écrit des descriptions somptueuses de la ville d’Odessa, du port, de la mer. Il se remémore la foule odessite se pressant, sur le grand escalier et sur le boulevard en direction de la statue de la tsarine Catherine, pour observer la mutinerie du cuirassé Potemkine. Il termine en disant adieu à la ville et à ses personnages. Il trouve quelque excuse au voyou Serioka ; il revoit en rêve la froide beauté aux yeux bleus, Lika, craignant qu’elle ne soit morte dans une cellule de la Loubianka ; il espère ne plus jamais rencontrer Torik, qui « n’est plus des nôtres ». Surtout il n’oubliera jamais Maroussia, sa belle héroïne à qui il a donné rendez-vous en Lucanie, dans son paradis imaginaire. Et il redéclare son amour pour les femmes.
Jacqueline Pollak
Ancienne journaliste de la RTBF, Radio Télévision Belge de langue française.
« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! » La phrase terrible que l'évangile de Matthieu met dans la bouche de Jésus a pour deux millénaires déterminé l'image des pharisiens comme faux dévots, alimentant ainsi la polémique anti-judaïque. Depuis seulement quelques décennies, l'exégèse chrétienne et le recours aux sources historiques anciennes, de Flavius Josèphe à la littérature rabbinique, ont permis de rendre justice à ce courant du judaïsme antique. La grande historienne de la période, Mireille Hadas-Lebel, fait le point sur ce que l'on sait et sur ce qui reste encore dans l'ombre.
Par quelles croyances et pratiques les pharisiens se distinguaient-ils des autres courants juifs ? Quelle était leur influence auprès des masses ? Les vifs débats que Jésus mène avec eux relèvent-ils d'une critique externe ou au contraire d'une controverse interne au mouvement pharisien - autrement dit, pourrait-on aller jusqu'à dire que Jésus lui-même était un pharisien ?
Mireille Hadas-Lebel est Professeur émérite de l’Université Paris Sorbonne (chaire d’histoire des religions). Elle a publié de nombreux ouvrages sur le judaïsme antique dont Flavius Josèphe, Philon d’Alexandrie, Hérode (Fayard), Massada, Hillel, Une histoire du Messie (Albin Michel), Jérusalem contre Rome (Cerf et CNRS), Rome, la Judée et les Juifs (Picard), La Révolte des Maccabées (Lemme).
Journaliste, écrivain, traducteur, orateur, théoricien du sionisme et leader historique de la droite israélienne, Vladimir Zeev Jabotinsky avait de multiples talents et également certains défauts qu’il ne craint pas d’avouer dans son autobiographie, il reconnaît par exemple qu’il était doué pour susciter des antagonismes. Dans son livre, ce n’est pas tant l’homme politique qu’il nous raconte mais plutôt l’homme qu’il a été et le cheminement qui l’a conduit à défendre un sionisme radical et à placer les premières balises de la future armée juive. Jabotinsky semble avoir une double personnalité, érudit raffiné d’une part et d’autre part militant acharné et parfois cynique, en tout cas, le militant sioniste est doté d’une plume magnifique. Il a passé sa vie à parcourir le monde loin de sa ville natale, Odessa, dont il est pourtant resté amoureux jusqu’à sa mort en 1940.
L’hommage à sa mère
Jabotinsky commence par soigneusement décrire ses origines. Il est né en 1880, à Odessa, dans une famille marquée à la fois par l’orthodoxie religieuse et par l’ouverture au monde de la Haskala, les Lumières juives. Il ouvre son récit par un hommage vibrant à sa mère à qui il voue un amour et une reconnaissance sans limite. Elle était née à Berditchev en Ukraine, une ville où les Juifs étaient si nombreux que même les chrétiens y connaissaient le yiddish. Son grand-père maternel était un Juif éclairé et progressiste, peut-être même un hérétique : il avait envoyé sa mère étudier au « nouveau heder », une école juive moderne créée dans le cadre de la Haskala, elle y a appris l’allemand et les bonnes manières occidentales. Elle parlait un allemand littéraire avec des fautes. Elle n’avait appris le russe qu’après son mariage, apparemment pour parler avec les domestiques, mais c’est uniquement dans cette langue qu’elle parlait à ses enfants, tout en massacrant la grammaire russe. Elle parlait le yiddish avec ses sœurs, elle comprenait l’hébreu biblique. Elle était très instruite et assez stricte pour tout ce qui concernait les rites religieux. Jabotinsky a reçu des cours d’hébreu dès l’âge de 8 ans, hormis ce cours, écrit-il, je n’avais alors aucun contact intérieur avec le judaïsme.
Jabotinsky n’a pas connu son père, mort du cancer quand il n’avait que 6 ans, il n’en avait aucun souvenir ou quasi. Il le présente comme un dirigeant et presqu’un roi dans son domaine, le commerce du blé produit abondamment dans les grandes plaines de l’Ukraine.
La mère de Jabotinsky avait vécu dans l’opulence chez ses parents à Berditchev, dans l’opulence aussi avec son richissime mari. Quand il tomba malade, elle se battit pendant deux ans pour lui sauver la vie. Après sa mort, la famille tomba dans une misère noire. Cloîtrés dans des chambres minuscules à Odessa, les enfants avaient droit à du pain frais, leur mère se contentait de pain rassis, Jabotinsky ne se rappelle pas d’un seul jour où sa mère n’a pas été contrainte de se battre, de se renforcer et de surmonter les obstacles.
Le goût des langues
C’était un incroyable polyglotte, il possédait sept langues. Sa préférée était l’italien qu’il avait appris à parler comme un autochtone lors d’un long séjour en Italie. Ensuite venait le russe qu’il utilisait dans ses romans et une grande partie de ses articles, il écrivait un russe très pur, certains écrivains russes ont considéré comme une perte irrémédiable pour la littérature russe le fait qu’il consacre sa vie à son combat sioniste. Il a longtemps considéré le yiddish comme un jargon jusqu’au jour où il s’est rendu compte que c’était « la » langue à utiliser pour toucher le grand public juif. Il défendait l’hébreu comme la langue du futur État juif et il a combattu, en vain, pour que l’hébreu soit la langue de l’enseignement dans les écoles juives de Russie. Avec son fils, il ne parlait que l’hébreu. L’Histoire de ma vie a été écrite en hébreu et il a traduit en hébreu la Divina commedia de Dante, du Baudelaire, de l’Edgar Alan Poe et du Conan Doyle. Il écrivait l’hébreu en caractères latins, c’est un autre de ses aveux.
Sa jeunesse
Au lycée, il n’a aimé que le latin et le grec, pour le reste il se vante d’avoir été un paresseux achevé, c’est en dehors de l’école qu’il se cultive, plongeant pour commencer dans les chefs d’œuvre de la littérature internationale qu’il trouvait dans la bibliothèque qui restait de l’époque de son père. Jabotinsky commence à écrire quand il n’a que 10 ans et il n’a que 19 ans quand il propose à un quotidien d’Odessa, le Novosti de lui envoyer des reportages de l’étranger. Le journal manquant de correspondants à Berne et en Italie, il part en Suisse, à cet âge, écrit-il, je dois l’avouer, je n’étais pas très sympathique en raison de mon goût du paradoxe et de mon estime de moi exagérée.
À Berne, il s’émerveille de la liberté d’expression qui tranche avec la censure russe. Très vite il part poursuivre ses études de droit à Rome où il va rester trois ans. L’Italie devient sa patrie spirituelle plus encore que la Russie. Il n’y avait pas de colonie russe à Rome, pas non plus d’antisémitisme, il s’intègre donc à la jeunesse estudiantine locale, il s’assimile au point de se fondre entièrement dans son environnement italien. C’est un admirateur de Garibaldi et le Risorgimento, le mouvement qui a conduit à la création de l’État italien, lui inspire des idées pour le futur État juif dont il rêve déjà. Il écrit quelques articles dans la presse italienne mais il en envoie surtout à son quotidien d’Odessa, le Novosti. À l’été 1901, il rentre à Odessa et découvre, à sa grande surprise, qu’entre-temps il s’est fait une réputation d’écrivain. Le Novosti lui propose d’écrire un feuilleton quotidien pour un très beau salaire. Il ne retourne pas en Italie, il reste à Odessa. Il écrit beaucoup et adore les soirées à l’opéra.
Kichinev
Jabotinsky pense pour la première fois à l’autodéfense juive, en 1903, lors du pogrom de Kichinev, en Moldavie. La rédaction de Novosti reçut alors une avalanche de dons pour les victimes du pogrom, de l’argent et des vêtements. Jabotinsky fut envoyé les distribuer dans la ville de Kichinev. Il visita les lieux de la tuerie et parla avec des témoins. Il dit ne pas se souvenir de l’impression que lui fit ce pogrom, pour lui cette tuerie n’était pas une surprise, il s’y attendait. Il avait un mépris profond pour ce qu’il appelait le ghetto, avec, dit-il, sa dégradation, sa médiocrité, son humour d’esclave et son incapacité à se révolter. Il accuse de couardise les Juifs de Kichinev, il a le cœur sec, il ne s’intéresse qu’aux solutions pour l’avenir, c’est à dire à l’autodéfense et à l’alya en Eretz Israel.
C’est à Kichinev que, pour la première fois, Jabotinsky fait la connaissance de responsables du sionisme russe, notamment Ussishkin, il y rencontre aussi le poète Bialik.
Le combat sioniste
À son retour à Odessa, il est contacté par une association sioniste du nom de Eretz Israel. On lui propose de se rendre au Congrès sioniste en tant que délégué de l’association. Il accepte et se rend à Bâle, au sixième congrès sioniste. C’est le dernier congrès sioniste du vivant de Herzl et c’est un congrès très houleux. Herzl, à la demande du gouvernement britannique, propose le « Projet Ouganda ». Une très forte minorité, notamment les sionistes russes, s’y oppose, ils refusent un État juif ailleurs que sur la terre biblique, Jabotinsky en fait évidemment partie. Herzl évite la scission en proposant une commission d’enquête chargée d’examiner la faisabilité du projet Ouganda.
Le bataillon de muletiers de Sion
En 1914, il devient le correspondant de guerre itinérant d’un excellent journal progressiste de Moscou Russkie Vedomosti. Il parcourt le monde pour ses reportages. Ayant toujours à l’esprit son idée d’autodéfense juive, un nouveau projet lui vient à l’esprit, en octobre 1914, lorsque l’empire ottoman s’allie à l’Allemagne et à l’Autriche contre la France, la Grande-Bretagne et la Russie. Il imagine de créer une unité militaire juive, une Légion juive, qui combattrait dans les rangs britanniques pour libérer Eretz Israel de la domination turque. Il part en Égypte, à l’époque protectorat britannique.
Il est à peine arrivé à Alexandrie que les Britanniques lui demandent de gérer un camp de réfugiés juifs que les Turcs viennent de chasser de Jaffa, 1 200 personnes, pour la plupart des Juifs russes, et parmi eux, Joseph Trumpeldor. Cet officier russe héroïque lors de la guerre avec le Japon est devenu ensuite un simple ouvrier en Galilée, il se rallie tout de suite au projet de Légion juive et par la suite il participera aux différents projets militaires de Jabotinsky. Celui-ci expose son projet de Légion juive aux autorités britanniques en poste au Caire. Le général Maxwell, commandant en chef des forces britanniques en Égypte, lui répond qu’il doute qu’il y ait une offensive britannique en Palestine mais il fait une contre-proposition : la formation, avec les jeunes réfugiés sionistes, d’un corps de muletiers, unité de transport à dos de mule, non pas en Palestine mais sur un autre front contre l’empire ottoman, dans les Dardanelles. C’est niet pour Jabotinsky mais oui, pour Trumpeldor, les Français et les Anglais, dit-il, ont bien un corps de chameliers, pourquoi nous, nous n’en aurions pas un de muletiers ? Trumpeldor l’emporte. Un bataillon juif est envoyé d’Alexandrie à la bataille de Gallipoli, une bataille célèbre pour avoir été le plus grand désastre des Alliés pendant la Grande guerre, 250 000 morts en huit mois. Sous le feu des Turcs, le Zion Mule Corps, 600 muletiers sionistes, durent chaque soir apporter dans les tranchées des armes et des vivres, beaucoup furent tués ou blessés, leur bravoure fut telle que le bataillon juif fut cité dans tous les journaux européens, ce qui n’empêcha pas les Britanniques de le dissoudre.
La Légion juive
Jabotinsky se lance alors dans un intense travail de propagande auprès du gouvernement britannique et de la jeunesse juive immigrée en Grande-Bretagne. Il est presque seul contre tous. Il a l’appui du vieux baron Edmond de Rothschild, de Haïm Weizmann, du moins au début, du Poalei Tsion, mouvement marxiste et sioniste, et du mouvement sioniste de Kiev. Et il a contre lui rien moins que le comité exécutif de l’organisation sioniste qui rend publique une décision ordonnant à tous les sionistes, dans tous les pays, de combattre activement la propagande en faveur de la Légion juive. Quant aux jeunes Juifs de Russie, de Pologne et de Galicie, qui vivent dans les quartiers populaires de Londres, le projet de Légion juive les laisse de marbre.
Finalement le vent tourne. Le gouvernement britannique veut enrôler la jeunesse juive pour l’envoyer à la guerre sans la regrouper dans une unité distincte. Jabotinsky s’était fait quelques amis dans l’armée anglaise. Après la bataille de Gallipoli, 120 muletiers de Sion s’étaient réengagés dans l’armée britannique. Le colonel Patterson qui avait commandé ces muletiers à Gallipoli, obtient que ces hommes soient tous envoyés dans le même bataillon. Le lendemain, le fameux Times, dans son éditorial, prend parti pour la Légion juive. Jabotinsky s’engage comme simple soldat à condition d’être versé dans ce bataillon là.
L’autobiographie de Jabotinsky s’arrête là, en 1917, elle se termine en queue de poisson. Voici en très résumé la suite de cette histoire.
Le 2 février 1918, le premier bataillon juif depuis l’an 135 de notre ère défile à travers la City de Londres sous l’emblème du roi David. Le régiment de fusiliers embarque pour la Palestine et Jabotinsky y sert comme sous-lieutenant. La Légion juive va combattre avec bravoure dans les monts Ephraïm et la vallée du Jourdain lors de la dernière offensive du général Allenby. À la fin des hostilités, la Légion juive compte 5 000 soldats. Les Britanniques la dissolvent en 1919.
Des muletiers de Sion et des anciens de la Légion juive sont encore présents en Palestine, en 1920, dans une force d’autodéfense juive appelée Hagana qui contient de violentes émeutes arabes à Jérusalem. Les Britanniques arrêtent des émeutiers ainsi que 19 membres de la Hagana parmi lesquels Jabotinsky qui s’est présenté comme le responsable de cette Hagana.
Par la suite Jabotinsky créera le Betar, mouvement de jeunesse sioniste militarisé, quittera l’Organisation sioniste, et fondera le mouvement sioniste révisionniste qui entre autres exigera que le futur État juif soit créé sur les deux rives du Jourdain, incluant donc la Jordanie. Une scission de la Hagana prendra le nom d’Irgoun et sera idéologiquement proche des révisionnistes. Perpétuellement en opposition avec Haïm Weizmann, David Ben Gourion et la gauche sioniste, Jabotinsky fut donc le père de la droite israélienne représentée aujourd’hui par Benjamin Netanyahu.
Aujourd’hui, 100 ans plus tard, on ne peut être que surpris de l’opposition d’une grande partie du mouvement sioniste à l’idée d’une armée juive. En fait, l’histoire de Jabotinsky illustre bien l’état d’esprit qui prévalait à l’époque chez de nombreux intellectuels juifs. Il n’y avait en effet pas de tradition militaire dans le monde juif, jusque dans les années 1930, une grande partie du mouvement sioniste prônait un foyer national juif démilitarisé, l’usage de la force par des Juifs était impensable, c’était par exemple le point de vue d’Ahad Ha’am, de Martin Buber et même de Théodore Herzl. Vladimir Zeev Jabotinsky, très en phase avec le sionisme politique, y a ajouté une dimension nouvelle, capitale, la dimension militaire. L’histoire lui a donné raison sur ce point. Les forces de défense d’Israel ont bel et bien joué un premier rôle dans le mythe fondateur d’Israël. Et Tsahal est bien aujourd’hui un pilier vital de l’État d’Israël.
Jacqueline Pollak (mars 2021)
Ancienne journaliste à la Rtbf, la Radio Télévision Belge de langue française
Trois femmes,
trois destins -
Kiev, Berlin, Paris.
Une enquête palpitante
sur le chemin des
Origines.
Nous portons en nous, cachée dans les tréfonds de notre inconscient, l'histoire de nos ancêtres. Lorsque ce passé est douloureux ou tragique, il hante les présents. Tel est le constat que dresse Anouchka, l'héroïne du roman. « C'est une erreur de penser que l'on peut enterrer le passé. Il s'accroche tant et si bien qu'il remonte toujours à la surface, tel le corps d'un noyé », écrit-elle.
Au départ, il y a une lignée de femmes, un lien d'amour qui se transmet de mère en fille. Dina, Rebecca, Raïssa, Claudie, Anouchka, Sacha, ressemblent à ces poupées russes qui s'emboîtent les unes dans les autres. « Chaque nouvelle vie enfonce ses racines dans la chair de sa mère et les racines des unes s'entremêlent à celles des autres », écrit Anne Bassi en introduction de son ouvrage. Anouchka vit une relation fusionnelle avec sa grand-mère Raïssa. La mort de cette dernière est une douleur dont elle ne se remet pas, malgré les années qui passent. La vie d'Anouchka est pourtant réussie : elle a suivi la tradition familiale, est devenue avocate et a une fille, Sacha, qui la comble. Mais quelque chose en elle ne guérit pas, elle aspirée par un trou noir qu'elle ne parvient pas à comprendre.
Afin de se délivrer de son mal-être, elle décide de consulter un thérapeute, spécialiste de la méthode « NTCV », appelée également « brainspotting ou EMDR ». A l’aide d’une baguette, presque magique, il utilise la puissance du regard afin de stimuler l’émotionnel enfoui dans un recoin du cerveau profond. C'est lui qui va ouvrir le « tiroir à secret » avec une question simple : « Comment est morte Rebecca, la mère de Raïssa ? ». L'interrogation claque comme un coup de feu dans le silence. Elle pressent qu'il y a là un secret de famille, lourd et noir qui explique aussi cette « ombre silencieuse » portée sur toute la lignée. « Cette invitation à la curiosité la transporta dans le passé, celui d'avant ses souvenirs, à la recherche de Rebecca dont plus personne n'osait parler. »
Anouchka commence des recherches avec l’aide d’un généalogiste et entraîne le lecteur en Ukraine, là où es née Rebecca, puis à Berlin, et enfin à Paris. La famille doit fuir à plusieurs reprises, s'exiler pour trouver, au moins pendant quelques années, la paix et la sécurité.
Anouchka reconstitue cet itinéraire, retrouve des photos, des documents, et découvre même l'existence de membres de sa famille dont elle ignorait tout. Un pan caché de son histoire lui est ainsi révélé. Des mots, des photos, de la musique, viennent compléter la partition de sa vie, et vont lui permettre de saisir l’origine de ses angoisses, puis de s'apaiser. « Chacun d'entre nous est inscrit dans une lignée familiale, et l'origine de nos souffrances date parfois de temps lointains. Pourtant, ce que l'on ignore est tout aussi important que ce que l'on sait. Les non-dits deviennent des secrets qui deviennent nos fantômes. Les secrets de famille se font ainsi nos maîtres silencieux, et parfois ceux de nos destins. »
Un roman sensible où l’auteur analyse avec finesse les émotions de l’héroïne et nous initie à la psychogénéalogie, aux serments silencieux. « Elles avaient tracé un cercle silencieux (…), les mots jamais dits devinrent une réalité invisible entre elles. Anouchka devint une petite fille que le silence passionnait, elle devint le silence, elle devint la prisonnière et la geôlière de ce silence ».
Trois questions à Anne Bassi :
-
« Le silence des Matriochkas » est votre premier roman. Il est inspiré de faits réels. Quand avez-vous décidé de l’écrire et quelles ont été vos sources d’inspiration ?
Je n’ai pas décidé à un moment précis d’écrire un roman. Cela s’est fait progressivement à partir de faits imaginaires et réels dont m’ont fait part des hommes et des femmes. Petit à petit, j’ai construit un récit à partir de leurs vies et de thèmes qui me tenaient à cœur depuis longtemps : la transmission entre les femmes d’une même lignée, la mémoire, les secrets de famille, la psychogénéalogie et le métier d’avocat. J’ai été amenée à faire des recherches sur ma famille en France, en Ukraine et en Allemagne. C’est ce qui a permis de construire ce roman sous la forme d’une enquête.
Je m’interroge sur la transmission entre les femmes d’une même lignée. Les mères sont des relais, elles transmettent le passé et la mémoire. C’est une transmission qui nous dépasse. Mais ce n’est pas un roman dédié aux femmes. Il concerne tous ceux qui s’intéressent à leur histoire et à leur héritage. Nous sommes le fruit de notre histoire familiale, nous en conservons la mémoire et nous devenons ainsi des témoins innocents.
2. Votre livre est un voyage dans le temps et dans l’espace. Il débute en Ukraine en 1885 et se termine à Paris à l’époque actuelle. Pourriez-vous revenir sur les périodes que traversent les personnages principaux ?
Il y a trois périodes dans le livre. La première concerne l’Ukraine de 1885 à 1926. Rebecca et Raïssa sont nées en Ukraine et vivent les pogroms et de la Révolution. Elles appartiennent à une famille d’intellectuels pour qui le socialisme apportera l’émancipation et l’égalité. La famille quitte l’Ukraine en 1926 et s’installe peu de temps en Allemagne pour des raisons professionnelles, le père de Raïssa, Moïse est ingénieur. La seconde période du roman concerne leur installation en France où Raïssa étudie le droit et devient avocate dans les années 30. Après avoir été radiée par les lois de Vichy, elle se réinscrit au Barreau avec son époux, Charles. Ils trouvent leur raison d’être dans le combat politique, ils sont avocats par vocation, par amour de la liberté, par aversion de l’arbitraire et de l’injustice. Raïssa donne naissance à deux filles, Claudie en 1944 et Danie en 1946. La dernière période concerne la quatrième génération, représentée par Anouchka, la fille de Claudie. Elle se déroule à Paris à la recherche du passé, des morts et des vivants.
3. Le personnage d’Anouchka est écrasé par un secret de famille. « Ce secret inavouable et indicible que Raïssa ne pouvait dévoiler était devenu leur secret, elles en étaient codétentrices. Il était leur complice ».
Les secrets inavoués, inavouables sont écartés de nos vies conscientes et ne peuvent pas recevoir d’inscription verbale dans la mémoire familiale. Pourtant, les émotions condamnées au silence par absence de verbalisation sont toujours actives. Tout se passe comme si on ne devait pas oublier certains évènements. Ni les oublier, ni en parler, les transmettre mais sans le dire.
Si vous souhaitez vous procurer le livre d'Anne Bassi :
Extrait du BULLETIN DES FFDJF • N°146 & 147 • SEPTEMBRE 2020
DES FEMMES DANS LE BUREAU DE L'ENFER
◆ UN RÉCIT HALETANT SERVI PAR UNE PLUME TALENTUEUSE
Une fois encore, Serge Klarsfeld vient d'extraire des limbes de l'oubli un récit époustouflant, celui de Raya Kagan qui fit partie du convoi numéro 3 en date du 22 juin 1942, le premier à emporter 66 femmes à Auschwitz, après avoir été incarcérées au camp des Tourelles et à Drancy pour non respect de la réglementation antijuive ou implication dans des affaires touchant à la sécurité, comme ce fut le cas de Raya Kagan. C'est en 1945, que Raya Kagan gagna la Palestine Juive, où elle publia son témoignage 2 ans plus tard en Hébreu sous l'égide des Editions SifriatHapoalim, mais en si peu d'exemplaires que son destin fut d'être introuvable, et traduit en aucune langue. Aussi, dès 1976, en préparant le « Mémorial de la Déportation des Juifs de France », Serge Klarsfeld eut connaissance de ce récit pour lequel il envisagea de le faire traduire en Français, « mais d'autres priorités à l'époque l'en empêchèrent »Aujourd'hui, tel n'est plus le cas. C'est en effet tout à l'honneur du président des FFDJF d'avoir assumé les frais de la traduction et de l'édition de ce récit faisant état du premier convoi de femmes par cette survivante, née en Ukraine en 1910, qui témoigna au procès Eichmann le 8 juin 1961. Raya Kagan, née Rapoport, qui gagna la France en 1937, soupçonnée d'appartenir à un réseau de résistance communiste à « la suite de la mort de deux militants tués dans l'explosion d'une bombe qu'ils préparaient dans une chambre au 49 rue Geoffroy Saint Hilaire, où Raya avait logé et laissé des lettres », lui valut d'être arrêtée et déportée. Intellectuelle, parlant parfaitement cinq langues, Raya Kagan fut peu de temps après son arrivée à Auschwitz affectée au Bureau d'État Civil du camp principal avec ordre d'enregistrer les décès des déportés, qui avaient été autorisés à entrer dans le camp, (les seuls à être enregistrés) ; les autres étant immédiatement dirigés vers la chambre à gaz. Le convoi 3 comprenait 933 hommes et 66 femmes. Comme le souligne Serge Klarsfeld : « Tous sont entrés dans le camp sans sélection pour la chambre à gaz. 5 femmes sur 66 survécurent: Raya Kagan, Claudette Bloch, Henriette Bolotin, Estera Solarz et Rywka Spzepsman. Dans le convoi 7 où 49 femmes du camp des Tourelles furent déportées sur un total de 121 femmes, une seule a survécu, Johanna Gans, dont la déposition en 1945 figure en annexe, et qui fut désignée elle aussi, comme secrétaire au Bureau politique du camp. » Claudette Bloch (citée dans l'ouvrage) témoigna également auprès des inspecteurs du Service de recherche des crimes de guerre en 1945. Raya Kagan après son Alya fut recrutée par le Ministère Israélien des Affaires étrangères où elle occupa nombre de postes importants. Elle s'est éteinte en 1997 à l'âge de 87 ans. Reste son récit présenté par Serge Klarsfeld, un récit peu commun, haletant, où à l'aide d'une plume soignée, l'auteur dépeint les étapes de sa trajectoire dantesque, à commencer par les Tourelles, où furent incarcérées avec elle, les admirables « Amis des Juifs. » La puissance de ce récit est de rendre perméable la moindre situation, le moindre dialogue, à l'aide d'une sémantique obstinée à ne laisser aucun détail de côté. A l'instar, d'une véritable caméra rendant le son et l'image. Et ce, par la seule magie de l'écriture ! Grâce à ce témoignage si prégnant, on appréhende de façon hallucinée de quelles façons fonctionnait la logistique du crime de masse, et comment se déroulait le quotidien de ses esclaves Juives affectées dans les Bureaux du camp, soumises au pouvoir
sadique des maîtres des lieux. Rien n'échappe à l'œil de Raya, les noms, les dates, les évènements les plus ordinaires, comme les plus tragiques, notamment « les Marches de la Mort », dont elle sortira indemne. Un grand livre. Un des très grands livres sur la Shoah, étayé à la fin de documents et d'annexes éloquents.
Claude Bochurberg
Je parcourais minutieusement les allées en apparence dépouillées de tout parchemin de vie témoignant encore, à qui voudrait l’entendre, du parcours personnel autant que de la carrière hors normes du violoniste d’origine ukrainienne Mischa Elman et menais depuis quelques semaines méthodiquement mon enquête sur cet artiste lorsque je découvris le 31 janvier 2020, les biographies des grands violonistes du XXe siècle racontées par Jean-Michel Molkhou (1), parues en deux tomes édités par Buchet/Chastel respectivement en septembre 2011 et en octobre 2014. A cette époque, je venais de procéder à l’examen attentif de la partition musicale de « Après un rêve » de Gabriel Fauré, transcrite par Mischa Elman (2) afin d’approfondir ma connaissance de son jeu musical et j’étais quelque peu agacée de vérifier, lecture après lecture, étude après étude, que la musique demeurait encore bien trop souvent un « domaine réservé » à une minorité, un art fermé au plus grand nombre. Dans ce contexte précis, je me souviens alors m’être dit : « Allez, je parie que c’est encore un bouquin hors de portée du plus grand nombre, comme si la musique ne devrait être réservée qu’à une « élite », à une toute petite minorité coupée du reste de la société … Voyons tout de même comment cet auteur aborde l’univers des grands violonistes du XXème siècle … »
Est-ce l’art manifeste de Jean-Michel Molkhou de savoir manier avec maestria plusieurs cordes à son arc, à la fois chirurgien de métier, violoniste passionné par la lutherie et l’archèterie, devenu ensuite critique musical pour la revue Diapason, qui lui permit de ne pas se laisser bercer par les sirènes d’une approche très technique fréquemment réservée à un cercle en vérité restreint de mélomanes, musiciens, violonistes et/ou professeurs de musique ? Je ne le sais, mais ma première véritable agréable surprise fut de découvrir, en feuilletant le premier tome consacré à la présentation de cinquante violonistes de la première moitié du XXème siècle, qu’un chapitre entier avait été réservé à Mischa Elman. Fait suffisamment rare pour s’en étonner finalement, car là n’est pas le moindre des paradoxes de l’histoire de Mischa Elman : sa vie et son talent, dignes d’un roman historique né sur l’arrière-scène tragique d’une Russie ravagée par les pogroms jusqu’à son éblouissante épopée américaine où il sut déployer les ailes de phénix de son violon au son d’or et graver de l’empreinte sensible de son archet les cœurs et les âmes de millions de gens, ne firent pour autant l’objet de quelques résiduels écrits à son sujet.
Dans un style synthétique et sans révéler ici le détail de ce qu’écrit Jean-Michel Molkhou au sujet de Mischa Elman afin de vous encourager à vous plonger, au-delà même de l’histoire de Mischa Elman, dans la lecture passionnante de ces deux ouvrages, frappant est de constater combien, sur le fond, cet auteur sait dire l’essentiel en peu de mots finalement et s’inscrire dans une démarche teintée d’humilité. Ainsi, au terme des cinq pages dédiées à Mischa Elman, vous voyagez avec lui comme s’il était encore des nôtres, de Talnoï à Odessa, puis de Odessa à Saint-Pétersbourg, Paris, Berlin, en Allemagne, en Autriche, en Scandinavie lors de ses premières tournées en Europe jusqu’à New York. Par ailleurs et bien que le tableau que dresse Jean-Michel Molkhou du parcours aussi atypique qu’exceptionnel de Mischa Elman complète presque parfaitement les termes de l’article « Le violoniste Mischa Elman », très différent d’approche et de sensibilité, de Charles Godszlagier paru sur le site Les Amis d’Odessa, il n’en demeure pas moins que personne d’autre que cet auteur n’a su résumer de manière aussi édifiante qu’il le fit ce que représenta en son temps le son du violon de Mischa Elman : "Écouter aujourd’hui le violon de Mischa Elman, c’est un peu comme feuilleter des photographies de Saint-Pétersbourg d’avant la révolution d’Octobre. On y redécouvre les fastes, les dorures et les larmes d’une civilisation à jamais disparue. Un violon qui vous tire des larmes dans ce Concerto de Tchaïkovski qui fut longtemps considéré comme le « sien »" (pp. 73-80, tome I).
La singularité et la dimension pédagogique de la démarche de Jean-Michel Molkhou caractérisent l’ensemble des deux tomes de son étude, excentrées des sentiers techniques et du vocabulaire spécifique à l’univers de la musique : elles lui permettent ainsi de lier et de relier l’histoire individuelle de chaque violoniste du XXe siècle dans le cycle d’une histoire humaine plus globale et de la grande Histoire de l’humanité tour à tour partagée entre ombre et lumière. De fait, l’auteur inscrit chaque trajectoire personnelle dans un contexte géographique, historique, socio-économique, familial et culturel propre à chacun. Au fur et à mesure que vous avancerez dans votre lecture, vous entreprendrez en vérité un long périple, des contrées de Russie (Mischa Elman, Toscha Seidel, Nathan Milstein, David Oïstrakh, Isaac Stern …) à celles de l’Europe de l’Est (Vilnius, Budapest, Prague, Vienne, Trieste, Zelazowa Wola près de Varsovie où vit le jour le violoniste Henryk Szeryng et qui était déjà ville natale de Frédéric Chopin ….) où naquirent les plus grands musiciens. L’auteur retrace également le parcours de quelques violonistes célèbres, anciens ou contemporains venus d’autres nations du continent européen, de la France (Jacques Thibaud né à Bordeaux en 1880) à l’Angleterre (Albert Sammons, autodidacte né à Londres en 1886), en passant par l’Allemagne (Anne-Sophie Mutter, née en 1963), les Pays-Bas (Janine Jansen, née en 1978) … sans oublier les États-Unis (Oscar Shumsky, Gil Shaham), le Canada (Leila Josefowicz), le Japon (Kyoko Takezawa), l’Arménie (Sergey Khachatryan) … La musique a ceci de magique qu’elle n’a pas de frontières et nous enseigne en permanence que ce qui est beau existe et peut s’entendre sur tous les continents de notre planète Terre. Dans ce tableau exhaustif à souhait, je n’exprime qu’un seul regret : aucun chapitre n’est consacré au violoniste juif russe, Sascha Jacobsen, juif russe né à Helsinki en 1895 devenu pourtant le sujet de l’une des chansons interprétées en 1922 par George Gershwin et intitulée « Mischa, Jascha, Toscha, Sascha ».
Certaines anecdotes ne manqueront pas de surprendre, d’émouvoir, de faire rire, telle l’histoire de Joseph Fuchs, né en 1899 à New York dans une famille de musiciens et qui, après s’être cassé le bras à l’âge de trois ans, débuta le violon « en guise de rééducation » ! Mais au-delà du talent de pédagogue de Jean-Michel Molkhou, talent qui lui permet d’encourager le lecteur à s’interroger sur les motivations profondes de certains de ces violonistes et les raisons pour lesquelles leurs interprétations ont également parfois survécu à l’épreuve redoutable du temps, la singularité de sa démarche se manifeste tout autant par sa capacité à ne jamais enfermer aucun de ces grands violonistes dans le seul registre de leur univers musical. Ainsi, dans un long chapitre retraçant l’histoire et le parcours musical de Yehudi Menuhin, né à New York en 1916 de parents juifs russes, l’auteur n’hésite pas, contribuant de la sorte au développement d’une culture générale accessible au plus grand nombre, à remémorer combien il fut préoccupé par l’éducation artistique ainsi que ses engagements forts de citoyen : dès 1950, il prend fait et cause contre l’apartheid en Afrique du sud, ce qui n’était pas si fréquent à l’époque ; plus tard, il s’investira dans le rapprochement entre Israéliens et Palestiniens, puis il s’engagera aux côtés de Amnesty International. Mais Menuhin, Jean-Michel Molkhou est un des rares à le souligner, c’est aussi celui qui n’avait jamais oublié la Russie bien qu’il n’y soit pas né. Ni la Russie ni les parcours de dissidents, qu’ils fussent liés à cette nation ou pas. Ainsi, Menuhin fut, ne l’oublions jamais, celui qui usa, à juste raison, de sa notoriété pour faire libérer Mstislav Rostropovitch d’URSS, mais également, on le dit moins, pour sortir le pianiste argentin Miguel Angel Estrella des geôles uruguayennes.
Une fois entré dans l’univers géographique, familial, culturel, musical de chacun de ces violonistes, leurs histoires individuelles réunies nous démontrant au passage que derrière un grand musicien existe déjà le plus souvent dans la cellule familiale une fibre artistique ancrée depuis longtemps et/ou confirmée, le lecteur peut compléter sa découverte en écoutant le CD qui offre plus de huit heures de musique. A titre d’exemple, Jean-Michel Molkhou propose l’extrait sonore que voici concernant le violoniste Ivry Gitlis, né à Haïfa en 1922 dans une famille d’origine russe :
« Béla Bartόk : Concerto n°2, I. Allegro non troppo.
Avec l’Orchestre Pro Musica de Vienne, dir. Par Jascha Horenstein. Enreg. 1954. Vox PL 9020. Rééd. Vox CDX2 5505. 14’47.
Cet enregistrement volcanique du Second Concerto de Bartόk est resté l’un des sommets de la discographie du violoniste comme de l’œuvre. »
En toutes circonstances, Jean-Michel Molkhou sait à la fois s’adresser aux mélomanes en citant, par exemple, sur quel violon ont exercé leurs talents certains des immenses violonistes du XXe siècle, et interpeller les profanes sans jamais muer son propos en une encyclopédie de termes spécifiques à l’univers de la musique en général et des violonistes en particulier quand il se réfère à la discographie de chacun d’eux : c’est là tout l’art et l’intérêt de découvrir les biographies de si nombreux violonistes, demeurés célèbres ou tombés dans l’oubli, retracées avec tact et élégance par Jean-Michel Molkhou. Alors, je vous invite à partir à leur rencontre dès à présent, car le message universel de la musique autant que l’univers émotionnellement si passionnant de l’art du violon, ces biographies convaincront ceux qui en douteraient encore, sont à eux seuls une perpétuelle leçon d’humanisme dont a bien besoin notre monde actuel.
Ivana Sion.
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Jean-Michel Molkhou, Les grands violonistes du XXe siècle, Buchet/Chastel :Tome I – De Kreisler à Kremer,1875-1947, Tome II – 1948-1985.
2. Gabriel Fauré, Après un rêve, Transcribed by Mischa Elman, Violin and Piano chez Carl Fischer.
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France Culture/Odessa Ville-Mondes/31 mai 2015
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